Guinée-Bissau : attente d’un nouveau gouvernement

José Mario Vaz, président de la Guinée Bissau

Baciro Dja, le nouveau Premier ministre nommé jeudi après une semaine sans gouvernement dans le pays, devrait annoncer les membres de son cabinet.

La formation du gouvernement est attendue alors que le parti au pouvoir dirigé par l’ancien Premier ministre limogé, Domingos Simoes Pereira, et dont font partie le nouvel occupant du poste et le président de la République, refuse de reconnaitre la nomination et exige la reconduction de son chef à la tête de l’équipe gouvernementale.

A Bissau, la capitale, où la nuit a été calme, de nombreux habitants prônaient l'apaisement, redoutant que la crise politique ne dégénère en violences dans cette ex-colonie portugaise qui a connu plusieurs coups d'Etat - réussis ou avortés - depuis son indépendance en 1974.

"Il faut maintenant se mettre au travail. Nous avons perdu énormément de temps, et inutilement", a dit à l'Agence France Presse (AFP) Braima Seidi, un fonctionnaire.

Deolinda Gomes, une commerçante, s'est dite "contente" que le pays se soit enfin doté d'un nouveau Premier ministre jeudi, huit jours après le limogeage de Domingos Simoes Pereira par le président José Mario Vaz.

"Il faut lui faire confiance et lui laisser le temps de travailler", a-t-elle dit, précisant être une militante du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC, au pouvoir) mais à égale distance de ses dirigeants.

La Guinée-Bissau, pays de 1,6 million d'habitants, est confrontée à une situation politique particulière: le président Vaz, élu en mai 2014, le Premier ministre destitué Pereira et son remplaçant nommé jeudi, Baciro Dja, sont tous les trois membres du PAIGC. Mais c'est M. Pereira qui préside le parti et qui a son soutien face au chef de l'Etat.

Le 12 août, M. Vaz s'était séparé de M. Pereira, en poste depuis 14 mois, en arguant d'une "crise de confiance au sommet de l'Etat".

Selon leurs entourages, MM. Vaz et Pereira ne s'entendaient pas depuis plusieurs mois sur la manière de diriger le pays, dont la Constitution stipule que le poste de Premier ministre revient au chef du parti vainqueur des législatives.

Le PAIGC ayant obtenu la majorité en 2014 aux élections parlementaires - avec 57 députés sur 102 -, ces fonctions devraient donc être assumées par son président, M. Pereira, soulignent analystes et responsables politiques.

Jeudi, le président Vaz a nommé Baciro Dja comme nouveau Premier ministre, rejetant de fait la proposition du PAIGC de reconduire Domingos Simoes Pereira à son poste. Cette nomination a été rejetée par le parti, et un de ses responsables l'a qualifiée de "coup d'Etat constitutionnel".

"La gestion des affaires de l'Etat implique une prise de décision qui ne plaît pas toujours", a déclaré jeudi le chef de l'Etat, reconnaissant implicitement que son choix du nouveau Premier ministre était contesté, lors la cérémonie d'investiture de M. Dja.

Baciro Dja avait de son côté promis d'"ouvrir un dialogue franc et sincère pour la recherche d'une solution concertée et durable pour la Guinée-Bissau".

Jusqu'à vendredi en début d'après-midi, aucune information n'avait pu être obtenue auprès de son entourage sur d'éventuelles consultations pour la formation de son gouvernement.

Une délégation de la Commission économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), emmenée par l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, devait se rendre en Guinée-Bissau pour aider à la résolution de la crise politique.

La mission a été suspendue après la nomination de M. Dja, ce qui, de l'avis de certains politologues, ne constitue cependant pas l'épilogue de la crise politique.

"La nomination d'un Premier ministre ne suffit pas pour parler de fin de crise. (...) L'étape suivante va être la formation d'un gouvernement qui doit présenter un programme au Parlement dans 60 jours au plus", a affirmé Fodé Mané, juriste et analyste politique à l'AFP jeudi soir.

Le nouveau Premier ministre devra "aller chercher sa légitimité dans un Parlement dominé par le PAIGC", a-t-il souligné.

Vendredi matin, une coalition d'associations et de mouvements politiques, l'Alliance nationale pour la paix, la stabilité et la démocratie en Guinée-Bissau, a affirmé craindre pour la stabilité du pays si les pro-Vaz et pro-Pereira campaient sur leurs positions.

"Nous sommes dans une crise politique profonde qui pourra déboucher sur une guerre civile" si elle persiste, a déclaré devant la presse le porte-parole de cette Alliance, Luis Vaz Marins. "La survie" du gouvernement que formera Baciro Dja "dépendra de la confiance ou de la légitimité que lui accordera le Parlement", a-t-il ajouté.

A Bissau, des policiers sont déployés depuis plusieurs jours, procédant à des patrouilles régulières. Mais l'armée - qui a souvent joué un rôle prépondérant dans les troubles politiques dans le pays - n'y était pas visible.

Avec AFP