Le scrutin s'est globalement déroulé dans le calme dimanche et avec une importante participation, mais sous tension, l'équipe de campagne de M. Condé visant une réélection au premier tour.
Un objectif jugé par ses adversaires totalement irréalisable sans une fraude caractérisée, cinq ans après une victoire à l'arraché au second tour d'Alpha Condé sur le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo.
Le président Condé table pour l'emporter sur son bilan: réforme de l'armée et de la justice, achèvement du barrage hydro-électrique de Kaléta, transparence sur l'attribution aux sociétés minières des contrats d'exploitation des précieuses ressources du pays.
Ses détracteurs l'accusent de mauvaise gestion - notamment lors de l'épidémie d'Ebola qui s'est déclarée en décembre 2013 - d'autoritarisme et d'attiser les tensions ethniques, particulièrement envers les Peuls.
Les premiers résultats de l'élection se faisaient encore attendre, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) disposant légalement de 72 heures après réception du dernier procès verbal des quelque 14.000 bureaux de vote pour annoncer les chiffres provisoires.
La mission d'observation de l'Union européenne pour le scrutin a appelé les protagonistes à recourir à la justice plutôt qu'à la violence en cas de contestation, lors d'une conférence de presse à Conakry.
Le chef de la mission, le Luxembourgeois Frank Engel, a plaidé pour "transférer le terrain des conflits qui peuvent avoir lieu en Guinée devant les juges au lieu de les faire vivre dans la rue".
Il a fustigé en des mots très durs "l'impréparation", voire "la désorganisation totale" de la Céni, à laquelle il a imputé les multiples problèmes matériels et d'organisation constatés le jour du vote.
Mais "ce que j'ai vu n'entache pas la validité du scrutin", a souligné M. Engel, se félicitant de la forte participation (estimée à plus de 60%) et de l'absence de violences le jour du vote. De ce point de vue, "le scrutin du 11 octobre a été un scrutin exemplaire pour ce pays", a-t-il affirmé.
La veille, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait également pressé les forces politiques de "s'abstenir de toute déclaration qui pourrait mener à des violences" et de "résoudre tout différend qui pourrait survenir de façon pacifique et à travers les procédures légales établies".
- 'Droit de manifester' -
Concluant à une "fraude massive" après les difficultés en tout genre observées lors du vote, l'opposition a réclamé lundi l'annulation du premier tour.
"Nous ne reconnaîtrons pas les résultats qui vont être issus de ces urnes", a affirmé M. Diallo lors d'une conférence de presse conjointe avec les six autres concurrents d'Alpha Condé, promettant de mobiliser ses partisans dans la rue pour se faire entendre.
"Nous avons le droit de manifester, on le fera", a assuré le chef de l'opposition. "On n'a a pas de recours, la justice est inféodée, la justice, la Céni, les institutions ne sont pas des institutions indépendantes, malheureusement", a-t-il estimé.
Arrivé en troisième position en 2010, l'ex-Premier ministre Sidya Touré, se disant particulièrement visé par la fraude, accuse le pouvoir de chercher à "éliminer le parti le plus consensuel qui puisse exister, pour maintenir toujours la fracture politico-communautaire".
MM. Diallo et Condé tirent la majeure partie de leurs suffrages respectivement des communautés peule et malinké, les deux plus importantes du pays.
Selon le Dr Alpha Amadou Bano Barry, professeur de sociologie politique , les violences électorales en Guinée se concentrent généralement autour de la fin de campagne, comme la semaine dernière, et de la proclamation des résultats.
"Pour étouffer la contestation, habituellement on le fait la nuit, en quadrillant les rues avec le forces de sécurité, de sorte que la population se réveille sous un état de siège qui ne dit pas son nom", a-t-il expliqué à l'AFP.
Les deux précédents scrutins, la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013, ont été entachés par des violences et des accusations de fraude.
Ancien opposant qui a connu la prison, Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.
Avec AFP