Amadou Oury Bah, nommé à son poste par les militaires il y a deux semaines, est le premier responsable aussi haut placé à envisager ouvertement le non-respect de cet engagement, pris sous la pression, auprès de la Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao) d'organiser des élections avant fin 2024. Ce manquement faisait de moins en moins de doute au vu du peu de progrès accompli vers un transfert de pouvoir et de la situation intérieure.
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"Il y a beaucoup de contingences", a dit Amadou Oury Bah dans un entretien avec la radio française RFI diffusé mardi. "Dans un contexte où nous accusons une fragilité sur le plan économique, sur le plan financier, nous devons travailler à une stabilisation, à une décrispation politique pour avoir la possibilité d'examiner et de faire les étapes du chronogramme (calendrier) dans une relative sérénité", a-t-il dit. "Donc l'objectif, c'est de finir cela et je pense que 2025 est une bonne période pour couronner l'ensemble du processus", a-t-il dit.
Le Premier ministre dresse un tableau sombre de l'état de son pays, qui doit "faire face à beaucoup de défis liés à des situations calamiteuses". Il a évoqué l'explosion du principal dépôt d'hydrocarbures qui a fait 25 morts en décembre et causé de graves perturbations de l'activité économique. Il a cité "une demande sociale qui est restée pendant très longtemps insatisfaite et qui est en train de remonter", aggravée selon lui par l'inflation et son "impact sur la vie des Guinéens qui ont du mal à joindre les deux bouts".
La Guinée, pauvre malgré des ressources minérales et naturelles considérables et dirigée pendant des décennies par des régimes autoritaires, subit des pénuries de carburant et des coupures d'électricité. Elle a connu en février une grève générale pour obtenir une baisse des prix des denrées de première nécessité, la fin de la censure médiatique et la libération d'un syndicaliste de presse. C'était le premier mouvement du genre sous la junte.
Manquements généralisés
La crise va de pair avec une répression de toute forme de contestation, l'interdiction des manifestations, la censure d'un certain nombre de télévisions et de radios. Les leaders d'opposition ont été arrêtés, inquiétés ou contraints à l'exil. Les militaires qui ont renversé le président civil Alpha Condé en septembre 2021 se sont engagés auprès de la Cedeao à rendre le pouvoir à des civils élus d'ici à fin 2024 à l'issue d'une période dite de "transition".
Le Premier ministre a repris à son compte l'argument des militaires selon lequel ils avaient besoin de temps pour refonder l'Etat et mener à bien de profondes réformes pour mettre fin à une instabilité chronique. "La Guinée a besoin d'apaisement, a besoin d'une profonde décrispation", a dit le Premier ministre. Il a reconnu "quelques retards" dans la mise en oeuvre du calendrier.
Les autorités doivent encore mener à bien le recensement et l'établissement d'un fichier électoral en vue d'un référendum constitutionnel qui devra avoir lieu "d'ici la fin de l'année", a-t-il dit. "A partir de ce moment les autres processus électoraux vont être déclinés", a-t-il dit. Il a contesté que les militaires conduits par le général Mamadi Doumbouya, qui s'est fait investir président, s'accrochent au pouvoir. "Le leadership à la tête de la Guinée veut que la Guinée redevienne un pays normal", a-t-il dit.
La Guinée est l'un des pays d'Afrique de l'Ouest où les militaires se sont emparés du pouvoir par la force depuis 2020. Au Mali aussi, la junte a failli à son engagement de partir début 2024. Au Burkina Faso, le régime militaire a indiqué que tenir des élections à l'été 2024 comme promis antérieurement n'était pas une "priorité". Au Niger, les militaires en sont restés après leur putsch de juillet 2023 à une vague déclaration sur une transition de trois ans, jamais renouvelée.