Le réalisateur new-yorkais avait globalement échappé jusqu'ici aux foudres du mouvement anti-harcèlement qui a fait tomber de nombreux acteurs et réalisateurs depuis les révélations contre le producteur Harvey Weinstein: de Kevin Spacey à Brett Ratner, en passant par Dustin Hoffman.
Mais cette semaine, la tempête le menace à son tour. L'acteur franco-américain Timothée Chalamet, révélé ces derniers mois dans des films comme "Call me by your name" ou "Lady Bird", a indiqué, dans un message sur son compte Instagram lundi, regretter d'avoir travaillé avec lui sur son nouveau film à sortir cette année, "A rainy day in New York".
"Je ne veux pas tirer profit de mon travail sur ce film", a souligné la nouvelle star de 22 ans, "et pour cela je vais faire don de la totalité de mon salaire à trois associations" d'aide aux victimes de harcèlement sexuel, dont la jeune "Time's Up", créée début janvier par un collectif de plus de 300 femmes de Hollywood.
Ce message vient s'ajouter à d'autres prises de distance de célébrités comme Jessica Chastain ou Rebecca Hall qui ont laissé entendre ces dernières semaines qu'elles ne voulaient plus travailler avec Allen.
Peu après la cérémonie des Golden Globes début janvier, la réalisatrice de "Lady Bird", Greta Gerwig, qui a remporté le Golden Globe de la meilleure comédie, exprimait elle aussi ses regrets d'avoir joué dans son film de 2012, "To Rome with Love".
"Si j'avais su alors ce que je sais aujourd'hui", a-t-elle confié au New York Times, "je n'aurais pas joué dans ce film (...). Je n'ai pas re-travaillé avec lui depuis, et je ne travaillerai plus avec lui".
Greta Gerwig a cité deux récentes tribunes de sa fille adoptive Dylan Farrow, qui accuse depuis 1992 Woody Allen d'avoir abusée d'elle sexuellement quand elle avait sept ans, soulignant qu'elles lui avaient fait "prendre conscience qu'(elle) avai(t) ajouté à la douleur d'une femme", ce qui lui a "brisé le cœur".
Woody Allen n'a pas réagi à cette nouvelle polémique et son agente n'a pas immédiatement répondu à une sollicitation de l'AFP.
Mais il a toujours démenti ces accusations. Notamment en 2014 dans le New York Times, où il affirmait qu'elle avait été poussée au mensonge par Mia Farrow lors de leur acrimonieux divorce, et rappelait que les enquêteurs avaient renoncé à toute poursuite.
L'histoire rebondit aujourd'hui en partie parce que Dylan Farrow, 32 ans maintenant, a relancé ses accusations dans sa première interview télévisée, dont la chaîne CBS a diffusé mercredi des extraits avant une diffusion complète jeudi.
"Je dis la vérité et je pense que c'est important que les gens se rendent compte qu'une victime, une accusatrice, compte. Que cela suffit à changer les choses", déclare-t-elle dans cet entretien.
"Pourquoi ne serais-je pas en colère? Pourquoi ne serais-je pas blessée? Pourquoi ne serais-je pas scandalisée après toutes ces années où j'ai été ignorée, où on ne m'a pas crue?", ajoute celle dont le frère journaliste, Ronan Farrow, a été à la pointe des révélations sur Weinstein.
Si Chalamet et d'autres ont pris parti pour Dylan Farrow, certains ont pris la défense de Woody Allen, notamment Alec Baldwin.
"Deux Etats ont enquêté sur Woody Allen et ne l'ont pas inculpé", a-t-il déclaré mardi sur Twitter, en qualifiant la situation d'"injuste et triste".
Le réalisateur multi-oscarisé, qui a fait de ses névroses une marque de fabrique, est depuis longtemps entouré d'un parfum de scandale.
Les accusations de 1992 avaient coïncidé avec la révélation de sa relation avec la fille adoptive de Mia Farrow, Soon-Yi Previn, de 35 ans sa cadette, qui a fait couler beaucoup d'encre. Ils se sont mariés depuis et ont deux filles adoptives.
Depuis, le scandale ne l'a jamais complètement abandonné, sans l'empêcher de continuer à faire des films.
Si des films comme "Prends l'oseille et tire-toi", "Manhattan" ou "Annie Hall" ont contribué à faire de lui l'archétype du juif new-yorkais, la plupart de ses récents opus ont cependant été tournés en Europe, à la fois refuge et source d'inspiration.
Avec AFP