Michel Sidibé, à la tête de l'Onusida depuis 2009, est critiqué par certains de ses actuels et anciens collègues et par des organisations de la société civile, qui dénoncent sa mauvaise gestion de la crise et remettent en cause son leadership.
L'enquête interne de l'ONU a conclu qu'il n'existait pas de preuves confirmant que M. Loures, de nationalité brésilienne, a harcelé et agressé sexuellement celle qui l'accusait. Le directeur adjoint a néanmoins quitté l'organisation en mars, mais les enquêteurs de l'ONU ont critiqué M. Sidibé pour avoir tenté de résoudre cette affaire discrètement.
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Le directeur, de nationalité malienne, fait aussi face à des accusations de militants et d'associations qui lui reprochent de protéger des hommes puissants, comme M. Loures, soupçonnés d'avoir commis des actes répréhensibles.
L'association américaine AIDS Healthcare Foundation (AHF), la plus grande ONG de soins médicaux pour les personnes infectées par le VIH, a réclamé la démission de M. Sidibé et une réforme de taille de l'Onusida.
M. Sidibé, qui a le rang de secrétaire général adjoint des Nations unies, "est assis sur son trône à Genève (...) et n'a de compte à rendre à personne", a déclaré à l'AFP le président de l'AHF, Michael Weinstein.
L'Onusida n'a pas répondu à des questions détaillées de l'AFP.
Dans un courriel, une porte-parole de l'agence onusienne, Sophie Barton-Knott, a mis en avant un "plan en cinq points pour prévenir et traiter toutes les formes de harcèlement au sein de l'Onusida".
Ce plan est l'une des nombreuses initiatives lancées par l'ONU pour lutter contre le harcèlement sexuel, dans la foulée du mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes face aux violences sexistes.
- Menacée de mort -
Deux femmes ont accusé publiquement M. Loures d'agression sexuelle. D'autres ont parlé de façon anonyme dans les médias.
Malayah Harper, qui a travaillé à divers postes à l'Onusida pendant une décennie, avant de devenir secrétaire générale de l'Association mondiale des jeunes femmes chrétiennes (YWCA), a parlé à visage découvert. Elle affirme avoir été agressée sexuellement par M. Loures en 2014 et accuse un autre responsable de l'organisation d'intimidation.
Le problème va au-delà de M. Loures, dit-elle à l'AFP. "C'est une question de leadership et de ce que vous permettez qu'il se produise, c'est ce qui définit la culture de l'organisation".
Alors qu'elle travaillait en Afrique entre 2010 et 2012, un autre employé de l'Onusida l'a intimidée en public, ainsi que d'autres femmes, en utilisant un langage sexuel, raconte-t-elle.
Elle dit avoir prévenu sa direction et le bureau de M. Sidibé, sans jamais recevoir de réponse. Jusqu'à ce que l'homme en question la menace de mort, ce qui a poussé l'Onusida à lancer une enquête et à accroître la sécurité autour de sa résidence.
Mme Harper déplore ne jamais avoir vu les conclusions de l'enquête et souligne que l'homme en question a été muté et promu directeur dans un autre continent.
"Pour changer la culture d'une organisation, il ne suffit pas de dire qu'il y a une tolérance zéro. Vous devez promouvoir la tolérance zéro", insiste-t-elle.
- Des réformes? -
Martina Brostrom est l'autre accusatrice de M. Loures. Toujours employée de l'Onusida et en congé maladie, elle dénonce la mauvaise gestion de la crise par M. Sidibé.
L'association Code Blue, membre de la plateforme Aids Free World (Pour un monde sans Sida), qui la soutient, a publié un enregistrement de M. Sidibé lors d'une réunion du personnel après le départ de M. Loures, au cours de laquelle il a semblé suggérer que les dénonciateurs manquent d'"éthique".
Les militants lui reprochent notamment de ne pas avoir dit dans le communiqué quelles étaient les véritables raisons du départ de M. Loures.
Le patron de l'Onusida a appelé pour sa part à la mise sur pied d'une enquête indépendante chargée d'élaborer des recommandations. Mais même les hauts fonctionnaires de l'ONU s'accordent à dire qu'il est difficile de faire des réformes au sein des Nations unies.
"C'est une organisation dans laquelle l'expression +rendre des comptes+ disparaît parfois du vocabulaire", a déclaré aux médias le directeur de l'ONU à Genève, Michael Moller, sans faire de référence explicite à une agence de l'ONU.
Avec AFP