Pénurie dans la capitale après trois jours de violence en Haïti

La Police nationale haïtienne surveille une zone commerciale qui a été pillée pendant les manifestations contre les hausses des prix du carburant à Port-au-Prince, Haïti, le 8 juillet 2018. REUTERS / Andres Martinez Casares

Les habitants de Port-au-Prince se démenaient lundi pour tenter de se réapprovisionner après les trois jours durant lesquels la capitale haïtienne a été paralysée, en proie à des violences déclenchées par l'annonce --depuis suspendue-- d'une hausse importante des prix des carburants.

Les rues de la ville ont été majoritairement débarrassées des barricades mais la circulation est restée très faible, sans comparaison aucune avec les traditionnels embouteillages.

Rares étaient les voitures privées à circuler mais chacun de leur passage soulevait une importante fumée noire, résidu de tous les pneus brûlés sur les routes depuis vendredi après-midi.

Aucun véhicule de transport en commun n'était visible à travers la ville, signe que le mot d'ordre de grève lancé par les contestataires a été suivi mais, surtout, que les habitants sont encore gagnés par la peur de sortir.

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Des violences en Haïti

A Pétionville, commune la plus aisée de l'aire métropolitaine, les deux seuls supermarchés ayant rouvert étaient pris d'assaut: une longue file de voitures attendait même simplement d'entrer sur un parking, dont l'accès était contrôlé au compte-gouttes par les agents de sécurité.

Dans la capitale, au moins cinq stations services ont repris la distribution de carburants mais la vente s'organisait difficilement et sous une forte tension vue l'affluence d'usagers dans le besoin.

Quantité de femmes et jeunes filles attendaient dans le calme et l'ordre devant les rares fontaines rouvertes.

"Je marche depuis une heure dans la rue je ne trouve pas d'eau potable", se désolait pour sa part Rosaline Guerrier, un petit bidon vide à la main. "Jamais le pays n'a été dans un tel état, on subit tellement maintenant", a témoigné cette femme de 60 ans qui préférait ne pas débattre de politique.

Des jeunes regroupés devant un dépôt de denrées alimentaires encore fermé tergiversaient sur le sort qu'ils souhaiteraient donner au président et à son gouvernement. Assis avec le groupe, Josué Geffrard s'est dit davantage préoccupé par son avenir et celui des citoyens les plus démunis.

"C'est terrible parce qu'après avoir passé trois jours à l'abri chez nous, sans travailler, on n'a pas d'argent", a expliqué le jeune homme. "Je ne suis ni pour ni contre ce qui s'est passé. Je voudrais une amélioration de la situation du pays, sans que des gens voient leur gagne-pain détruit. Seulement vraiment on veut un changement", a-t-il conclu.

La communauté internationale a reconnu, via un communiqué diffusé lundi soir, que "les inquiétudes de la population face aux difficultés de la vie quotidienne sont légitimes" mais a condamné les violences observées ce week-end.

Dans ce texte, le "Core Group" (composé de représentants des Nations unies, de l'Union européenne et de l'Organisation des Etats Américains ainsi que des ambassades d'Allemagne, du Brésil, du Canada, de la France, des Etats-Unis et de l'Espagne) appelle "à respecter l'ordre constitutionnel" alors que les contestataires ont réclamé le départ immédiat du président Jovenel Moïse.

Les troubles ont éclaté en Haïti après l'annonce vendredi par les autorités d'une augmentation des prix de l'essence de 38%, du diesel de 47% et du kérosène de 51%. Face aux violences, la mesure a été suspendue samedi "jusqu'à nouvel ordre".

Avec AFP