Hillary Clinton a encore des choses à dire

Second débat télévisé Donald Trump-Hillary Clinton, St-Louis, le 9 octobre 2016.

Battue il y a dix mois par Donald Trump, Hillary Clinton publie mardi aux Etats-Unis un récit personnel sur sa défaite. Elle y assume sa part de responsabilité mais refuse d'absoudre les protagonistes externes, en premier lieu le FBI, la Russie et les médias américains.

L'ancienne candidate, qui fêtera en octobre ses 70 ans, ne mâche pas ses mots sur le successeur de Barack Obama: un "menteur", "sexiste", indigne et incompétent. Elle dit s'être "frappé le front" en l'entendant expliquer récemment que le problème nord-coréen n'était "pas si simple".

Elle raconte le "choc" de la soirée du 8 novembre 2016, dans sa chambre d'hôtel de New York, le sentiment d'être "vidée", la "tristesse" qui ne la quitta pas pendant des semaines.

Refusant antidépresseurs et psychanalyste, elle confie avoir trouvé refuge dans sa famille, une technique de respiration alternative enseignée par sa professeur de yoga, et le Chardonnay.

"Il n'y a pas eu une journée depuis le 8 novembre 2016 durant laquelle je ne me suis pas posé la question: pourquoi ai-je perdu ? J'ai parfois du mal à me concentrer sur autre chose", écrit celle qui s'était fait une religion, depuis un quart de siècle, de ne jamais fendre l'armure en public.

La sortie de "What Happened" ("Ça s'est passé comme ça", version française disponible le 20 septembre) s'accompagne d'une tournée de promotion aux Etats-Unis et au Canada: séance de dédicaces mardi à New York, interviews, et 15 conférences payantes jusqu'en décembre.

Dans une interview au quotidien USA Today mardi, elle se dit persuadée que l'équipe Trump a reçu l'aide de la Russie de Vladimir Poutine. "Il y avait sûrement des contacts, et sûrement une forme d'accord", dit-elle.

Chaque interview est l'occasion pour la démocrate de répéter que l'utilisation d'un compte mail personnel comme chef de la diplomatie avait été une "erreur stupide", comme elle l'a encore dit mardi sur la radio NPR.

Pourquoi ?

Le récit qu'Hillary Clinton fait de la cérémonie d'investiture de Donald Trump, à laquelle elle a participé en tant qu'ancienne Première dame, est tragicomique. Elle imagine le discours qu'elle aurait fait, mais raconte avoir échangé un regard de stupéfaction avec Michelle Obama, et se moque des élus républicains venus la saluer, rappelant à l'un qu'il l'avait traitée d'antéchrist.

Elle éreinte son ex-rival des primaires démocrates, Bernie Sanders, lui reprochant son agressivité durant la campagne. Et répète un conseil prodigué par Barack Obama: "N'essaie pas d'être branchée, tu es grand-mère".

Elle confirme surtout l'analyse qu'elle avait ébauchée publiquement ces derniers mois, énumérant les facteurs ayant contribué à sa défaite: désir de changement, rejet de sa personne, misogynie, sentiment de désaffection économique d'une partie des classes populaires blanches.

Mais selon elle, Donald Trump a aussi exploité "l'anxiété raciale et culturelle" des Blancs. "Nombre de ces électeurs avaient peur que les gens de couleur - surtout les Noirs, les Mexicains et les musulmans - menacent leur mode de vie".

Tous ces facteurs, toutefois, n'ont pas suffi à eux seuls; jusqu'au bout, les sondages l'ont placée en tête.

Hillary Clinton est persuadée, citant notamment l'analyse du site FiveThirtyEight.com, que c'est l'intervention du directeur du FBI, James Comey, 11 jours avant l'élection, qui a fait basculer une fraction de l'électorat dans quelques Etats-clés vers Donald Trump, suffisamment pour assurer la victoire de ce dernier. M. Comey avait soudainement rouvert l'enquête sur ses emails, avant de la refermer deux jours avant le scrutin.

Combinée aux messages internes piratés par la Russie et publiés par WikiLeaks, la réouverture de ce dossier brûlant a eu un effet dévastateur, démultiplié par l'obsession selon elle démesurée des journalistes politiques pour l'affaire.

"Leur vrai problème est qu'ils ne peuvent supporter l'idée de faire face à leur propre responsabilité dans l'élection de Trump", accuse-t-elle. Le New York Times en prend pour son grade.

Et de citer la France en exemple, où le piratage de dernière minute de l'équipe d'Emmanuel Macron n'a pas été couvert par les médias, la loi l'interdisant. "Les électeurs français semblent aussi avoir tiré les leçons de nos erreurs en rejetant Le Pen, la candidate de droite pro-Moscou. Je me console à l'idée que notre malchance a contribué à protéger la France et d'autres démocraties. C'est déjà cela".

Que prévoit Hillary Clinton aujourd'hui ? Elle assure qu'elle ne se représentera plus. "Mais je ne vais ni bouder, ni disparaître. Je ferai tout pour soutenir les candidats démocrates", conclut-elle. Ignorant les démocrates qui espèrent tourner, un jour, la page Clinton.

Avec AFP