La région semi-autonome traverse depuis près de trois mois sa pire crise depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des manifestations et des actions quasi quotidiennes qui ont pour certaines dégénéré en affrontements violents avec les forces de l'ordre.
Un nouveau rassemblement massif est prévu samedi pour marquer le cinquième anniversaire du refus par Pékin d'organiser des élections au suffrage universel dans la ville, décision qui fut le déclencheur du "Mouvement des parapluies", marqué par 79 jours d'occupation du coeur financier et politique de Hong Kong.
Deux des grandes figures de ce mouvement, Joshua Wong et Agnes Chow, tous deux âgés de 22 ans et très populaires au sein de la contestation actuelle, ont été arrêtées vendredi, a annoncé leur parti.
"Notre secrétaire général @joshuawongcf vient d'être arrêté ce matin vers 07H30", a tweeté le parti Demosisto. "Il a été poussé de force dans un monospace banalisé, dans la rue, en plein jour. Nos avocats suivent désormais le dossier."
Mme Chow a été interpellée à son domicile, selon le parti.
- Andy Chan arrêté -
La police s'est bornée à annoncer l'arrestation de deux personnes de 22 ans, en ne les désignant que par leur nom de famille, Wong et Chow, et en les accusant notamment d'en "inciter d'autres à participer à un rassemblement non autorisé".
Plus de 850 personnes ont été interpellées depuis le début de la mobilisation qui était partie du rejet d'un projet de loi qui devait autoriser les extraditions vers la Chine.
Le mouvement a depuis considérablement élargi ses revendications, qui renvoient toutes à la dénonciation d'un recul des libertés et de de l'ingérence grandissante de la Chine dans les affaires de la région semi-autonome, en violation du principe "Un pays, Deux systèmes" qui avait présidé à la rétrocession.
Le site Hong Kong Free Press a fait état de son côté de l'arrestation jeudi soir du militant indépendantiste Andy Chan. Le fondateur du Parti national (HKNP), minuscule formation indépendantiste interdite par les autorités en 2018, a été interpellé alors qu'il était sur le point d'embarquer dans un vol à destination du Japon, selon Hong Kong Free Press qui cite un porte-parole de la police.
Ce dernier a précisé au site que M. Chan était soupçonné de participation à une émeute et d'avoir agressé un policier.
MM. Chan et Wong ont déjà effectué des séjours derrière les barreaux.
- Paradoxe -
Ce coup de filet intervient alors que l'exécutif hongkongais peine à répondre à la crise politique et à un mouvement de contestation inédit qui se caractérise aussi par une créativité sans précédent quant à ses modes d'action.
C'est en invoquant des raisons de sécurité que la police a décidé d'interdire la manifestation de samedi, mesure radicale qui pourrait au contraire déclencher de nouveaux heurts avec des militants radicaux prêts à en découdre.
Le paradoxe est que la manifestation de samedi est convoquée par le Front civil des droits de l'homme (FCDH), une organisation non violente qui a été à l'origine des plus grands rassemblements de ces derniers mois. En particulier celui du 18 août qui avait réuni 1,7 million de personnes selon les organisateurs, sans aucun débordement.
Dans une lettre au FCDH, la police dit redouter que certains participants commettent des "violences" ou des "actes de destruction".
En évoquant de précédentes manifestations, la police relève que les manifestants ont non seulement "allumé des incendies et bloqué des routes, ils ont aussi utilisé des bombes incendiaires, des billes d'acier, des briques, des lances, des barres métalliques et diverses armes artisanales pour commettre des destructions de biens publics à grande échelle, perturber l'ordre social et infliger des blessures à autrui".
- "Nous sommes nos chefs" -
Le Front a déposé un recours contre l'interdiction. Mais vendredi matin, un de ses chefs de file, Jimmy Chan, a annoncé que l'appel à manifester serait retiré si l'interdiction était confirmée, et ce pour ne pas envenimer la situation.
Mais il est probable que cet appel à la mesure ne sera pas entendu par la frange radicale, composée majoritairement d'étudiants très jeunes. Et le risque de nouvelles violences est bien réel.
"La police croit qu'il y a des leaders dans le mouvement et que sa décision d'interdire la manifestation va nous arrêter", confie à l'AFP sous couvert de l'anonymat une manifestante se faisant appeler Kelly.
"Nous sommes nos propres chefs et nous continuerons de sortir. C'est ce que le gouvernement ne comprend pas."
Dimanche, la police avait déployé des canons à eau et même effectué pour la première fois un tir de sommation avec une arme à feu lors d'une manifestation autorisée qui avait dégénéré.
L'armée chinoise, qui n'a en principe pas à intervenir à Hong Kong, mais qui compte une garnison dans la ville, a adressé jeudi un nouvel avertissement en procédant, images à l'appui, à la relève de ce détachement de milliers de militaires.
Avec AFP