Investiture du nouveau président de la Zambie, Hakainde Hichilema

Le président élu de la Zambie, Hakainde Hichilema, lors d'une conférence de presse à sa résidence à Lusaka, le 16 août 2021.

Plébiscité lors de la présidentielle du 12 août en Zambie, Hakainde Hichilema, l'éternel opposant finalement devenu président, prend mardi les rênes de ce pays enclavé d'Afrique australe rongé par une dette colossale, avec la promesse de redresser l'économie et de restaurer la démocratie.

Des milliers de ses partisans ont passé la nuit dans le stade des Héros, à Lusaka, pour être certains d'assister à l'investiture de "HH" en fin de matinée. Plusieurs chefs d'Etat africains, mais aussi des figures d'opposition de la région, étaient attendus.

Candidat une sixième fois à 59 ans, Hichilema - surnommé "Bally", terme affectueux désignant un aîné - a été élu avec près d'un million de voix d'avance et une forte participation (71%) contre le président sortant Edgar Lungu.

Avec lui, la Zambie réussit une transition politique en douceur, fait assez rare en Afrique où seuls 17 pays ont élu à leur tête un opposant depuis 2015.

Dans ce pays riche en cuivre, les prix de produits de base ont flambé, devenant inabordables pour une population dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté.

L'homme d'affaires autodidacte, devenu millionnaire, devra aussi s'atteler au problème d'une dette estimée à dix milliards d'euros, dont la moitié auprès de créanciers privés.

Lancé dans une frénésie de projets de construction -ponts, routes, aéroports -, son prédécesseur était critiqué pour avoir emprunté de façon déraisonnable, notamment auprès d'investisseurs chinois. Le pays a été le premier en Afrique à avoir fait défaut sur sa dette depuis le début de la pandémie.

M. Lungu était aussi devenu de plus en plus inflexible à l'égard de toute opposition ou voix critique, faisant fermer des médias indépendants et arrêter des figures d'opposition.

- Rêves démocratiques -

Lui-même arrêté à plusieurs reprises, HH a toutefois assuré à son rival déchu qu'il pouvait être tranquille: "Vous ne ferez pas l'objet de représailles, ne recevrez pas de gaz lacrymogène".

Dénonçant "le régime brutal" de son prédécesseur, il a promis une "démocratie meilleure" aux millions de Zambiens qui ont fait la queue, parfois jusqu'à l'aube, pour voter.

La frustration qui a poussé "les citoyens à voter en si grand nombre est un message clair", estime Ringisai Chikohomero, chercheur à l'Institut d'études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud.

Le changement démocratique est notamment attendu par la jeunesse, mobilisée en masse pour le scrutin. Les moins de 35 ans sont majoritaires parmi les sept millions d'inscrits, sur une population de 17 millions.

"Pour eux, le vote cimente l'idée que le pouvoir appartient au peuple", explique à l'AFP l'économiste zambien Grieve Chelwa.

Les réseaux sociaux avec l'apparition de hashtags comme #BallyWillFixIt (Bally va régler le problème) ont joué un rôle clef dans l'élection, selon M. Chikohomero: "les Africains deviennent plus conscients, plus actifs et plus critiques".

Pour les experts, ces éléments contribuent au "vent de changement" qui souffle depuis plusieurs années sur un continent dont l'histoire est marquée par des dirigeants autoritaires.

Au Zimbabwe voisin, le président Emmerson Mnangagwa a d'ailleurs averti ses opposants de ne pas nourrir de tels rêves. Successeur de Robert Mugabe qui a tenu le pays d'une main de fer pendant 37 ans, M. Mnangagwa qui avait lui aussi promis une "nouvelle démocratie", a finalement œuvré à consolider un parti unique et museler l'opposition ainsi que toute opinion dissidente.

Reste à voir si en Zambie, HH "joindra le geste à la parole", laisse planer M. Chelwa.