Iran: un policier tué, avertissements du pouvoir aux manifestants

Les autorités accusent "des fauteurs de troubles" ou des "contre-révolutionnaires" armés de s'infiltrer parmi les manifestants

Les autorités iraniennes ont adressé lundi des avertissements aux manifestants qui protestent depuis jeudi contre le gouvernement, alors qu'un policier a été tué par balles lors de violences liées au mouvement.

Au total, 13 personnes dont dix manifestants ont été tuées dans les violences qui émaillent ces protestations. Ce mouvement sans équivalent depuis 2009 est parti jeudi de Machhad, la deuxième ville d'Iran, dans le nord-est, et s'est propagé rapidement à travers le pays.

Le président Hassan Rohani, qui avait appelé au calme dimanche, a averti lundi que "le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles", qui ne sont selon lui qu'une "petite minorité".

Et le ministère du Renseignement a prévenu dans un communiqué que "les émeutiers et les instigateurs" ont été identifiés et que "bientôt on s'occupera sérieusement d'eux".

Revenant à la charge contre le pouvoir iranien, le président américain Donald Trump a affirmé que "le temps du changement" était venu en Iran.

Lundi, au cinquième jour du mouvement de protestation contre le gouvernement et les difficultés économiques, un policier a été tué et trois autres ont été blessés par "des tirs d'arme de chasse" à Najafabad, dans le centre, selon un site de la télévision d'Etat.

Deux manifestants avaient été tués samedi et huit dimanche soir dans plusieurs villes d'Iran, selon les médias. Un père et son fils ont péri à Doroud (ouest) quand leur véhicule a été percuté par un camion de pompiers volé par des manifestants, d'après le préfet.

Plusieurs "meneurs" ont été arrêtés lundi soir après un rassemblement dans le centre de Téhéran de petits groupes de manifestants, dont certains ont scandé des slogans antirégime, d'après des médias iraniens. Dans la soirée, la situation était selon ces médias revenue au calme dans la capitale, où la présence policière était dense.

La nuit précédente à Téhéran et dans plusieurs autres villes, des manifestants avaient attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux, des banques, des voitures de police ou des sièges du Bassidj (milice islamique du régime).

Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis le début des protestations.

- 'Guerre par procuration' -

Les autorités accusent "des fauteurs de troubles" ou des "contre-révolutionnaires" armés de s'infiltrer parmi les manifestants.

Dans des propos rapportés par les médias iraniens, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani, a affirmé que "les hashtags et les messages à propos de la situation en Iran provenaient des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Arabie saoudite".

"Ce qui se passe sur les réseaux sociaux à propos de la situation dans le pays est une guerre par procuration contre le peuple iranien", a déclaré M. Shamkhani.

Les manifestations se sont poursuivies en dépit du blocage par les autorités sur les téléphones portables des messageries Telegram et Instagram, utilisées pour appeler à manifester.

Ces rassemblements sont les plus importants depuis le mouvement de contestation de 2009 contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad.

Pointant du doigt une "petite minorité" d'agitateurs, le président Rohani a affirmé lundi la détermination du gouvernement à "régler les problèmes de la population", en particulier le chômage.

Face aux protestations, des manifestations de soutien au pouvoir ont été organisées lundi dans plusieurs villes dont Rasht, Zanjan, Ahvaz et Takestan.

- Mesures d'austérité -

M. Rohani, élu pour un second mandat en mai 2017, a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires du pays.

Cette conséquence de la signature en 2015 d'un accord historique avec les grandes puissances avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique, mais elle tarde à porter ses fruits.

"Ce qui fait descendre les Iraniens dans la rue le plus souvent, ce sont des problèmes économiques ordinaires - la frustration face au manque d'emplois, l'incertitude par rapport à l'avenir de leurs enfants", explique à l'AFP Esfandyar Batmanghelidj, fondateur du Europe-Iran Business Forum.

Selon cet expert, les troubles ont été provoqués par les mesures d'austérité de M. Rohani, comme les réductions des budgets sociaux ou les augmentations des prix des carburants.

Dans une nouvelle réaction aux manifestations en Iran, Donald Trump a écrit sur Twitter: "Le grand peuple iranien est réprimé depuis des années. Il a faim de nourriture et de liberté (...) Il est temps que ça change".

Le ministère russe des Affaires étrangères a en revanche estimé qu'il s'agissait "d'une affaire intérieure iranienne". "Toute intervention extérieure déstabilisant la situation (en Iran) est inadmissible", a déclaré le ministère.

L'Union européenne a dit "espérer" que le droit de manifester sera "garanti" en Iran, dans un communiqué de la porte-parole de la cheffe de sa diplomatie Federica Mogherini.

"Le Royaume-Uni suit de près les événements en Iran", a déclaré dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. "Il doit y avoir un débat sérieux sur les questions importantes et légitimes que les manifestants soulèvent", a-t-il dit.

Avec AFP