L'Irlande en plein imbroglio pour former un gouvernement

Photo d’archives : Le Premier ministre irlandais Enda Kenny fait une pause avant de s’adresser aux médias à Castlebar, en Irlande, après les élections générales, le 27 février 2016.

Les électeurs irlandais ont désavoué leur gouvernement sortant mais sans choisir d'alternative claire, laissant la porte ouverte à une variété de combinaisons ou même à de nouvelles législatives précédées d'un long interim.

"Nous faisons face à des mois de gouvernement intérimaire", soulignait le journal Independent à propos des résultats du scrutin de vendredi qui, à défaut d'un vainqueur, ont désigné une victime: le gouvernement de coalition sortant, composé du Fine Gael (centre droit) du Premier ministre Enda Kenny et du Parti travailliste.

Selon les résultats provisoires qui portaient toujours lundi en début d'après-midi sur 148 des 158 sièges du Parlement, le Fine Gael arrive certes en tête avec 47 députés élus, mais avec un score nettement inférieur aux précédentes élections de 2011, lors desquelles il avait obtenu 76 élus.

Et le Labour, l'autre composante de la coalition gouvernementale, s'est effondré, passant de 37 sièges en 2011 à 6. "La semaine a été difficile", a commenté laconiquement le parti sur son compte Twitter.

Le gouvernement de M. Kenny paie le prix de sa politique d'austérité, nombre d'Irlandais disant ne pas ressentir suffisamment les effets de la reprise économique, qui s'est traduite par une croissance de 7% en 2015 et un chômage retombé à 9%.

Le Fianna Fail (centre-droit), l'autre grand parti de ce pays de 4,6 millions d'habitants, arrive en seconde position avec 43 sièges, contre 20 en 2011.

Progression aussi du côté du Sinn Fein, ex-vitrine politique de l'IRA: le parti de gauche nationaliste est arrivé à la troisième place avec 22 sièges, soit, à ce stade, 8 de plus qu'en 2011, confirmant son installation dans le paysage politique irlandais. Il s'agit "de la campagne la plus réussie de ma vie", a claironné son chef Gerry Adams, cité dans le Irish Examiner.

Les résultats des législatives montrent que les Irlandais "en ont assez de l'austérité", a estimé Imelda Munster, une responsable du parti. "Ils veulent une reprise qui profite à tout un chacun".

- 'Taoiseach intérimaire' -

L'absence de formations en mesure de pouvoir revendiquer une majorité absolue au Parlement ouvre donc la voie à des négociations qui s'annoncent longues, difficiles, et qui pourraient aboutir à un rapprochement inédit des deux rivaux Fine Gael et Fianna Fail, dont les leaders doivent consulter leurs bases cette semaine.

Il n'y "a pas la moindre chance" d'un accord avant Pâques, soit fin mars, a prédit l'ancien Premier ministre et leader du Fianna Fail Bertie Ahern.

Le Premier ministre Enda Kenny, qui a reçu le soutien du Labour, a clairement affiché son objectif: tenter de former, malgré le recul de son parti, un nouveau gouvernement dans les jours à venir.

Mais d'autres scénarios sont envisageables, comme de nouvelles élections en 2016 ou un gouvernement de minorité du Fine Gael soutenu ponctuellement par le Fianna Fail.

Reste qu'un accord entre ces rivaux historiques, qui se succèdent au pourvoir depuis 1932, susciterait l'hostilité de la base et de la vieille garde des deux partis.

"D'après ce que j'entends chez les gens (de ma circonscription) ce serait très difficile", a ainsi déclaré Willie O'Dea, un élu du Fianna Fail.

Les partis ont jusqu'au 10 mars et la première réunion du Dail (Parlement) pour trouver une solution à une situation qui rappelle celle de l'Espagne, toujours sans gouvernement plus de dix semaines après ses élections.

Mais l'imbroglio pourrait bien perdurer, a souligné l'analyste Noel Whelan. "Enda Kenny ne réussira pas à être désigné Taoiseach (Premier ministre, ndlr) et deviendra donc Taoiseach intérimaire".

"L'éventualité d'une seconde élection occupera alors les esprits tandis que les contacts entre Fine Gael et Fianna Fail pour former un gouvernement, ou soutenir un gouvernement minoritaire commenceront", a-t-il ajouté.

Pour Simon Harris, un député du Fine Gael, "le peuple a parlé. Mais cela va prendre du temps pour comprendre exactement ce qu'il a voulu dire".

Avec AFP