Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, fait face à deux principaux rivaux de confession musulmane au premier tour de scrutin dans la capitale de 10 millions d'habitants, auquel aucun candidat ne devrait obtenir la majorité absolue. Une centaine d'élections locales sont organisées le même jour dans tout l'archipel d'Asie du Sud-Est.
L'élection de Jakarta, à laquelle sont appelés 7,1 millions d'électeurs essentiellement musulmans, est devenue davantage une question religieuse: Ahok, le premier gouverneur non musulman depuis un demi-siècle et le premier issue de la minorité chinoise va-t-il pouvoir se maintenir à son poste en étant élu?
Il avait accédé automatiquement à cette fonction en 2014, après l'élection à la présidence de son prédécesseur Joko Widodo, dont il était alors l'adjoint.
La campagne électorale a été tendue et marquée par de vives critiques à l'égard du gouverneur sortant, au centre d'une vague de contestation depuis qu'il est soupçonné d'insulte à l'islam, une affaire controversée qui lui vaut d'être actuellement jugé pour blasphème.
Connu pour son franc-parler, Ahok avait déclaré en septembre dernier que l'interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d'un verset du Coran selon lequel un musulman ne doit élire qu'un dirigeant musulman était erronée.
Ces déclarations mises en ligne avaient provoqué de vives réactions d'islamistes conservateurs dans ce pays de 255 millions d'habitants, dont près de 90% sont de confession musulmane.
Deux manifestations anti-Ahok à l'appel d'organisations musulmanes partisanes d'une ligne dure avaient réuni des dizaines de milliers de personnes en novembre et décembre dans le centre de la capitale. Et samedi, ils étaient encore plus de 100.000 à la grande mosquée de Jakarta, pour appeler à voter en faveur d'un candidat musulman.
Leader populaire
Ainsi, cette élection "va être un test décisif pour l'islam en Indonésie -- sommes-nous tolérants ou intolérants?", estime Tobias Basuki, analyste au Centre pour les études stratégiques et internationales.
Le scrutin est aussi un terrain d'affrontement entre grands acteurs politiques du pays, qui considèrent l'influent poste de gouverneur de Jakarta comme un tremplin pour l'élection présidentielle de 2019.
Les deux principaux rivaux du gouverneur sortant sont Agus Yudhoyono, fils d'un ancien président, et l'ex-ministre de l'Education, Anies Baswedan, soutenu par l'ancien général Prabowo Subianto, rival malheureux de Joko Widodo au scrutin présidentiel de 2014.
Le président avait laissé entendre fin 2016 que des "responsables politiques" étaient derrière les violences qui ont émaillé la manifestation anti-Ahok le 4 novembre à Jakarta, instrumentalisée selon lui dans le cadre de la campagne pour l'élection du gouverneur.
Les accusations visant Ahok sont un exemple très en vue de l'intolérance religieuse qui s'est accrue ces dernières années en Indonésie, avec une forte hausse des attaques visant les minorités incluant aussi la communauté gay, et une influence croissante des islamistes radicaux.
Des observateurs redoutent aussi une discrimination à l'égard de la minorité chinoise dont est issu Ahok, qui représente moins de 10% de la population. En 1998, des émeutes et pillages visant des Indonésiens d'origine chinoise avaient fait plus d'un millier de morts.
Cependant, l'immense majorité des Indonésiens musulmans pratiquent une forme modérée de l'islam et vivent harmonieusement aux côtés des représentants des minorités chrétienne, bouddhiste et hindoue.
Ahok, âgé de 50 ans, est devenu un gouverneur populaire à la faveur de sa détermination à lutter contre la corruption très répandue dans la fonction publique et à entreprendre des réformes à Jakarta, métropole engorgée et désorganisée.
Pendant longtemps, il a été largement en tête dans les sondages, mais depuis l'affaire de blasphème pour laquelle il est jugé depuis décembre, le gouverneur sortant a dégringolé dans les intentions de vote. Le deuxième tour de scrutin, prédit par la quasi-totalité des enquêtes d'opinion, est fixé au 19 avril.
Avec AFP