James Comey, flic arbitre de la présidentielle américaine

The casket bearing the remains of former U.S. President George H.W. Bush arrives at the U.S. Capitol during the State Funeral in Washington, D.C., Dec. 3, 2018.

Quel responsable républicain est le plus susceptible de freiner la course à la Maison Blanche d'Hillary Clinton ? Donald Trump, direz-vous. Et si c'était plutôt James Comey, le patron du FBI, dont l'implacable réquisitoire dans l'affaire des emails de la candidate risque de peser lourd ?

Cet ex-procureur fédéral et ancien vice-ministre de la Justice sera soumis jeudi au feu des questions du Congrès, deux jours après avoir crevé l'écran à Washington dans une conférence de presse surprise, au secret bien gardé et au contenu explosif.

En 15 minutes de discours, ce grand flic --2 mètres sous la toise--, au look toujours impeccable, a habillé Mme Clinton pour l'hiver, en tout cas pour l'échéance électorale de l'automne.

Bien sûr, en recommandant de ne pas poursuivre l'ancienne secrétaire d'Etat pour son utilisation illégale de serveurs et d'une messagerie privés, M. Comey lui a évité le pire. Mais voilà l'ex-Première dame obligée de mener campagne avec des cailloux bien pointus dans ses chaussures.

Car les mots du chef du FBI, renforcés par la teneur officielle de son rapport d'enquête, ne s'effaceront pas de sitôt. Leur portée pourrait dépasser, estiment des experts, le 8 novembre, quand bien même Mme Clinton remporterait alors la présidentielle.

Celle qui a dirigé la diplomatie américaine de 2009 à 2013 a, selon ce rapport, fait preuve d'une "extrême négligence"; elle "aurait dû savoir" et n'a rien fait; sous sa responsabilité le département d'Etat a affiché des "carences" de sécurité informatique; enfin, Mme Clinton a mis en péril des "informations hautement sensibles".

Ses adversaires se sont déjà engouffrés dans la brèche. Mais seul l'avenir dira si les parades qu'elle adoptera seront efficaces.

Le policier éclipse la ministre

En attendant, James Comey a volé la vedette à sa responsable directe, la ministre de la Justice Loretta Lynch, qui n'a fait qu'entériner mercredi soir les recommandations du FBI de ne pas inculper Mme Clinton.

Mme Lynch est en difficulté pour avoir rencontré la semaine dernière l'ex-président Bill Clinton, époux d'Hillary, un entretien dénoncé par Donald Trump comme un arrangement illégal.

Avec cette enquête brûlante, M. Comey, 55 ans, a également renforcé sa stature de franc-tireur, encaissant les attaques de tous bords pour émerger du guêpier.

De fait, les démocrates lui reprochent d'avoir tancé publiquement Hillary Clinton, alors que la tradition veut que le FBI demeure discret sur ses investigations quand il décide de ne pas poursuivre au final.

Quant aux républicains, ils l'accusent d'avoir opté de façon illogique contre l'inculpation de l'ex-secrétaire d'Etat, compte-tenu des graves éléments à charge.

Le patron du FBI peut donc s'attendre à être malmené par les questions de la commission parlementaire qui l'entendra jeudi à 10H00 (14H00 GMT).

Mais ce juriste républicain, nommé en 2013 par Barack Obama pour diriger la police fédérale, a de la bouteille. Il est notamment rompu aux auditions éreintantes sur la colline du Capitole. Et ce père de cinq enfants connaît sur le bout des doigts le dossier des emails pour s'être tenu au courant tout au long des investigations.

Un homme de réseaux

Depuis trois décennies James Comey navigue dans les hauts cercles politico-judiciaires, endurcissant une cuirasse grâce à laquelle il se permet parfois de fâcher les autorités judiciaires, voire la Maison Blanche.

C'est ce qu'il a fait par exemple en soutenant que les policiers étaient devenus réticents à s'impliquer dans leur tâche après l'avalanche de critiques qu'ils ont subies depuis la mort de Michael Brown, un Noir de 18 ans abattu en 2014 à Ferguson (Missouri).

Toute carrière de haut vol aux Etats-Unis suppose de solides relais à New York --cf Hillary Clinton et Donald Trump-- et M. Comey, natif de la ville, a eu le temps de s'en bâtir comme procureur fédéral de Manhattan.

Enfin, il n'en est pas à sa première tempête: en 2004, devenu Attorney general par intérim, M. Comey avait vu débarquer un conseiller du président George W. Bush dans l'hôpital où était soigné le ministre de la Justice de l'époque, John Ashcroft.

Le conseiller présidentiel, Alberto Gonzales, avait tenté de profiter de la faiblesse de M. Ashcroft pour lui faire parapher une mesure controversée autorisant des écoutes téléphoniques sans mandat judiciaire.

James Comey avait ensuite relaté cet incident à des sénateurs sidérés, déclenchant une tourmente.

Avec AFP