Jour d'élections générales sans incident majeur au Mozambique

Les électeurs font la queue pour voter à Maputo, au Mozambique, le mardi 15 octobre 2019, dans le cadre des élections présidentielle, législative et provinciale du pays. (AP Photo / Ferhat Momade)

Le Mozambique, affaibli par une crise économique et les conflits armés, a voté mardi dans le calme pour des élections générales qui devraient marquer la fin du règne absolu du parti au pouvoir depuis plus de quarante ans.

Les quelque 20.000 bureaux de vote du pays ont refermé les urnes autour de 18h00 locales (16h00 GMT) au terme d'une journée sans incident grave, selon les ONG locales, malgré une campagne sous très haute tension.

Le chef de l'Etat sortant Filipe Nyusi et son Front de libération du Mozambique (Frelimo) devraient une nouvelle fois l'emporter à la présidentielle et aux législatives sur leur éternel rival Ossufo Momade et sa Résistance nationale du Mozambique (Renamo).

Le seul changement est attendu dans les scrutins régionaux où, pour la première fois, les gouverneurs des dix provinces du pays, jusque-là nommés par le régime, sont élus au suffrage universel.

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Selon les analystes, la Renamo pourrait ainsi prendre le contrôle de trois à cinq provinces.

Fidèle à la tradition, M. Nyusi a voté à la première heure mardi dans une école du centre de la capitale Maputo.

"Le Mozambique a choisi d'aller de l'avant de façon pacifique. Continuons ce processus de façon sereine", a-t-il exhorté devant la presse, "que le meilleur gagne".

"J'appelle la population mozambicaine à venir voter massivement", a de son côté lancé M. Momade après avoir glissé son bulletin dans une urne de Ilha de Moçambique (centre). "J'en appelle à mon frère Nyusi, le chef de l'armée, à respecter la volonté du peuple".

- "Le Frelimo a peur" -

Le gouvernement et l'ex-rébellion de la guerre civile (1975-1992), devenue principal parti d'opposition, ont signé en août un accord de paix et de désarmement censé mettre un terme définitif aux affrontements sporadiques qui avaient repris ente eux en 2013.

Mais les six semaines de campagne ont réveillé les tensions entre les deux camps.

De nombreux incidents violents ont été recensés dans tout le pays. Ils ont culminé avec l'assassinat, il y a une semaine, d'une figure de la société civile de la province de Gaza (sud) chargée de l'observation des élections, abattue au volant de sa voiture par des policiers.

"Le Frelimo a peur de se retrouver dans l'opposition", a expliqué Luter Simango, député du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM, opposition), "alors il utilise tous les moyens de l'Etat pour survivre (...), y compris la police et les services secrets".

Le président sortant Filipe Nyusi et son gouvernement ont abordé ce scrutin dans une position de faiblesse inédite dans un pays dirigé par le Frelimo depuis l'indépendance du pays en 1975.

Lors des élections locales l'an dernier, le parti au pouvoir a réalisé la plus mauvaise performance électorale de son histoire avec "seulement" 51,8% des suffrages au niveau national.

Depuis 2016, son gouvernement est fragilisé par une grave crise financière causée par le scandale de sa "dette cachée", un emprunt secret de 2 milliards de dollars qui a mis au jour une vaste opération de corruption au sommet de l'Etat.

Il est en outre confronté depuis deux ans à une mystérieuse insurrection islamiste qui a fait des centaines de morts dans la province du Cabo Delgado (nord) et risque d'y retarder l'exploitation très attendue de prometteuses réserves sous-marines de gaz.

- Electeurs "fantômes" -

Dans ce climat tendu, la société civile a dénoncé ces dernières semaines une série d'irrégularités, dont la présence massive d'électeurs "fantômes", laissant présager de fraudes comme lors des élections locales d'il y a un an.

"Nous avons noté quelques problèmes aujourd'hui dans les provinces de Tete, Nampula et Zambezia, où des électeurs ont été pris avant de voter avec plusieurs bulletins marqués en faveur du Frelimo", a déclaré à l'AFP Dercio Alfazema, du collectif Sala da Paz.

Le directeur des services techniques de l'administration en charge des élections, Felisberto Naife, a confirmé ces incidents, sans autre commentaire.

"Il est clair que Filipe Nyusi va gagner", a pronostiqué un de ses partisans, José da Costa, un vendeur de 34 ans, qui a voté dans le quartier de l'aéroport de Maputo. "Pour l'avenir de ce pays, il n'y a pas d'autre choix que le Frelimo".

"Je pense que Filipe Nyusi va l'emporter mais le processus n'est pas transparent. Il y a trop de corruption dans ce pays", a regretté de son côté Ivandro da Costa, un mécanicien de 21 ans, qui a accompli son devoir civique dans le même bureau.

Selon les premières estimations du collectif Sala da Paz, la participation au scrutin devrait être légèrement supérieure à celle enregistrée en 2014 (49%).

Les premiers résultats significatif sont attendus dès jeudi. "S'ils sont manipulés, nous ne les accepterons jamais", a déjà menacé le chef de la Renamo Ossufo Momade.

Avec AFP