"Je veux attirer l'attention sur une femme en particulier: Kamala. Elle a détruit un plafond de verre après l'autre". Ce tweet élogieux du président américain, le 29 mars, arrive en conclusion d'un mois officiel de célébration des femmes dans l'histoire américaine.
Lire aussi : Zambie : Kamala Harris appelle à une résolution "rapide" de la detteMais il est aussi publié peu après un article de l'agence Reuters se faisant l'écho d'une certaine frustration dans le camp démocrate autour de Kamala Harris, première femme à ce poste et aussi première vice-présidente d'origine africaine-américaine et asiatique. Ce n'est pas le premier de ce genre, mais la réaction de l'exécutif a été particulièrement vive. Un "marronnier idiot", a par exemple fustigé le directeur de communications de la Maison Blanche, Ben LaBolt.
Tout ou rien
En soi, le poste de Kamala Harris est infiniment ingrat, mais aussi incomparablement stratégique, surtout auprès d'un président âgé comme Joe Biden de 80 ans. La Constitution prévoit, en effet, qu'elle lui succède en cas d'incapacité ou de décès. "Je suis vice-président. C'est-à-dire que je ne suis rien, mais que je peux être tout", avait résumé de manière lapidaire John Adams, le premier à occuper ce poste, aux côtés de George Washington.
"Les femmes qui occupent de hautes fonctions font l'objet de plus de critiques, et cela vaut encore plus pour les femmes issues de minorités. Mais c'est tout de même troublant d'avoir à tweeter son soutien à sa propre vice-présidente", note Wendy Schiller, professeure de sciences politiques à l'université Brown. "Depuis deux ans, ce que Biden attend de Harris n'est pas très clair, et dans ces conditions il est difficile de faire une forte impression", estime-t-elle.
Joe Biden entend se représenter en 2024, et il ne fait aucun doute que ce serait en tandem avec sa vice-présidente. Ces dernières semaines, l'exécutif américain et la première intéressée font tout pour dynamiser ce futur "ticket", comme l'on dit aux Etats-Unis pour désigner le duo de candidats.
Kamala Harris revient par exemple d'une tournée dans trois pays africains bien suivie par la presse américaine, où elle est allée affirmer l'engagement des Etats-Unis sur un continent dans lequel la Russie et la Chine ont avancé leurs pions.
Elle a pris soin de donner à ce voyage une dimension plus intime, en visitant une maison un temps habitée par son grand-père en Zambie, ou en laissant libre cours à son émotion lors de la visite, au Ghana, d'un fort où étaient emprisonnés des esclaves avant leur traversée de l'Atlantique.
Tandem
Un récent sondage de l'université Monmouth résume bien la situation dans laquelle se trouve le tandem à la tête de la Maison Blanche. Selon cette enquête d'opinion, seulement 44% des électeurs démocrates souhaitent que Joe Biden, 80 ans, cède la place.
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Mais à qui? Les mêmes électeurs démocrates sont bien en peine de s'accorder sur une candidature. Seuls 13% avancent le nom de Kamala Harris qui est toutefois loin devant les autres, tels que le ministre des Transports Pete Buttigieg (6%).
Même si sa cote de popularité auprès de la population générale, à environ 40%, est aujourd'hui encore plus basse que celle de Joe Biden, à 43%, la vice-présidente reste la figure la plus en vue dans son propre camp, prime à la fonction oblige.
Et son parcours hors normes - fille d'un père jamaïcain et d'une mère indienne, elle a été la première femme et première personne noire à devenir procureure générale de Californie, puis la première sénatrice originaire d'Asie du Sud - en fait une partenaire incontournable pour mobiliser certains pans de l'électorat démocrate.
Lorsque Joe Biden se décidera à lancer officiellement sa campagne - jusqu'ici il dit seulement avoir "l'intention" de se représenter - nul doute que la vice-présidente sera mise à contribution pour sillonner le pays. Dès jeudi, elle sera d'ailleurs dans l'Etat de Géorgie pour vanter de gigantesques investissements dans la transition énergétique.