L'opposition kényane attend les consignes de son leader Raila Odinga

Raila Odinga s'adressant à ses partisans lors d'un meeting populaire, Uhuru Park, Nairobi, Kenya, le 25 octobre 2017.

Le Kenya attendait mardi les déclarations de l'opposant Raila Odinga, qui devait détailler sa stratégie pour contester la victoire écrasante du président sortant Uhuru Kenyatta au scrutin du 26 octobre, boycotté par l'opposition.

Nombre de Kényans espèrent que l'annonce lundi par la Commission électorale (IEBC) de la victoire de M. Kenyatta, 56 ans, sur un score plébiscitaire (98,26%), sonnera la fin de près de trois mois d'une crise qui a profondément divisé le pays.

C'est toutefois bien peu probable. L'opposition a été confortée dans son choix de boycotter l'élection par le faible taux de participation (38,8%), en très forte baisse par rapport au scrutin du 8 août (79%), déjà remporté par M. Kenyatta et annulé par la Cour suprême pour "irrégularités", une première en Afrique.

Ce chiffre décevant pour lui pose la question de la légitimité du président et l'opposition n'a donc pas l'intention de reconnaître sa défaite. M. Kenyatta lui-même a admis lundi que sa victoire "serait probablement encore une fois soumise au test constitutionnel via (les) tribunaux".

Mais M. Odinga, 72 ans, pourrait porter le fer sur plusieurs fronts. Il avait annoncé la semaine dernière le lancement d'une campagne de "désobéissance civile", pour forcer l'organisation d'une nouvelle élection dans les 90 jours, une option rejetée par le pouvoir.

Il devrait en préciser les contours, encore flous, en s'adressant mardi à ses partisans. "Nous avons une annonce à faire demain (mardi) à nos supporteurs et au pays", a indiqué à l'AFP un membre de son équipe de campagne.

A l'annonce de la victoire de M. Kenyatta, quelques incidents ont éclaté dans les fiefs de l'opposition, dans les bidonvilles de la capitale Nairobi, ou dans l'ouest du pays, où l'ethnie luo de M. Odinga est majoritaire.

Les partisans de M. Odinga, qui ont empêché la tenue du scrutin jeudi dans quatre comtés de l'ouest (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya) - sur les 47 que compte le pays -, en bloquant les bureaux de vote, attendent ses consignes.

Intransigeance

Très critiquée depuis le début de ce processus électoral, l'IEBC, sur laquelle la Cour suprême avait fait porter la responsabilité de l'invalidation du premier scrutin, a pris le risque de proclamer la victoire de M. Kenyatta sans que le vote ait eu lieu dans l'Ouest.

Probablement après avoir reçu des garanties légales, elle a considéré que même si le vote avait lieu dans ces quatre comtés, il ne pourrait remettre en cause le résultat global.

Vingt-cinq circonscriptions, représentant quelque 9% du corps électoral, sont cependant concernées. Et l'IEBC n'a pas précisé si elle allait tenter une nouvelle fois d'y organiser le scrutin ou si elle y renonçait définitivement.

Fils du père fondateur de la Nation Jomo Kenyatta et leader de l'ethnie kikuyu, majoritaire dans le pays, Uhuru Kenyatta va être confronté à un défi immense: réconcilier un pays divisé sur des lignes politico-ethniques.

Mais il a jusqu'ici fait preuve - comme M. Odinga d'ailleurs - d'une intransigeance qui augure mal de l'avenir. Le président n'a cependant pas exclu lundi de tendre la main à l'opposition, mais pas avant qu'elle ait "épuisé" toutes ses possibilités de recours judiciaires prévus par la Constitution.

Encore traumatisé par le souvenir des violences post-électorales de 2007-2008 (plus de 1.100 morts), le pays craint que les positions des uns et des autres ne se radicalisent encore et ne débouchent sur des violences de plus grande ampleur.

Au moins 49 personnes ont été tuées depuis l'élection du 8 août, dont 9 depuis le scrutin de jeudi, pour la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police, dans les bastions de l'opposition.

Cette crise politique a durement affecté l'économie la plus dynamique d'Afrique de l'Est et épuisé les Kényans, lassés de l'impéritie de leur classe politique et qui aspirent pour beaucoup d'entre eux à reprendre une vie normale.

Avec AFP