Cette décision marque un coup d'arrêt à la force multinationale très attendue pour tenter d'endiguer le chaos grandissant dans ce petit Etat caribéen, où la violence des gangs a fait près de 5.000 morts, dont plus de 2.700 civils, en 2023, selon un rapport mardi du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Lire aussi : Une force internationale menée par le Kenya va être déployée en HaïtiFace aux appels de plus en plus pressants du gouvernement haïtien et de l'ONU, le Kenya avait accepté de mener cette force de 2.500 à 2.600 hommes, espérée "au cours du premier trimestre 2024", selon la représentante spéciale adjointe de l'ONU en Haïti. Mais cette décision, validée par le parlement kényan le 16 novembre, avait suscité une vive contestation dans ce pays d'Afrique de l'Est.
L'opposant Ekuru Aukot avait notamment saisi la Haute cour de Nairobi, en arguant que cette mission était inconstitutionnelle car ne reposant sur aucune loi ou aucun traité.
"Le Conseil national de sécurité n’a pas mandat pour déployer des agents de la police nationale hors du Kenya", a affirmé le juge Enock Chacha Mwita. Une "telle décision contrevient à la Constitution et à la loi et est donc inconstitutionnelle, illégale et invalide", a-t-il ajouté.
Jeudi, le ministre haïtien des Affaires étrangères avait une nouvelle fois exhorté à l'envoi rapide de renforts sur l'île. "Chaque jour qui passe sans cet appui tant espéré, c’est un jour de trop que nous vivons dans l'enfer des gangs", a déclaré Jean Victor Généus devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
"Mission pour l'humanité"
Le Kenya a déjà participé à plusieurs opérations de maintien de la paix dans des pays voisins (RDC, Somalie) et dans d'autres parties du monde (Liberia, Timor oriental, ex-Yougoslavie...). Les autorités de Nairobi avaient essuyé de vives critiques depuis l'annonce de leur décision d'envoyer des policiers en Haïti, pays hautement instable et dangereux.
La décision de la Haute cour est un revers pour les autorités kényanes. Le président William Ruto avait affirmé que ce déploiement était une "mission pour l'humanité" dans un pays ravagé, selon lui, par le colonialisme.
Selon la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée en octobre par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Russie) après de difficiles négociations, cette "mission multinationale de soutien à la sécurité", non onusienne, était prévue pour "une période initiale de douze mois", avec une réévaluation au bout de neuf. La résolution appelait d'autre part la future mission à "prendre les mesures appropriées en matière de gestion des eaux usées" pour empêcher la propagation de maladies.
Une recommandation probablement destinée à rassurer les Haïtiens qui gardent un très mauvais souvenir de la dernière force internationale déployée sur leur territoire. Des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), présente de 2004 à 2017, avaient en effet apporté le choléra, entraînant une épidémie ayant fait plus de 10.000 morts. Cet épisode explique en partie que la future force ne se fasse pas sous drapeau de l'ONU.
Dans un contexte de terreur, d'habitants forcés de fuir ou de se cacher, le pays connaît une des "pires" crises alimentaires au monde, déplorait mardi le rapport de l'ONU.