L'Assemblée nationale a approuvé à une écrasante majorité la semaine dernière une motion de destitution contre M. Gachagua, en conflit avec le président William Ruto, accusé notamment d'insubordination et de détournements de fonds.
M. Gachagua, 59 ans, dément les accusations à son encontre et restera à son poste au moins jusqu'à ce que le Sénat, qui avait lancé des débats préliminaires le 9 octobre, se prononce sur sa destitution. Le vice-président avait porté l'affaire devant la justice, arguant que sa mise en accusation avait été injuste et accélérée. Mais plusieurs saisines visant à bloquer le processus devant la chambre haute ont été rejetées.
Une décision des sénateurs est attendue jeudi soir. Pour que la motion de destitution soit adoptée, 45 voix sur 68 sont nécessaires. Il y a une semaine à la chambre basse, les députés ont voté sur l'intégralité de la motion, mais les sénateurs vont examiner chaque accusation séparément dans ce qui promet d'être un long examen des charges.
M. Gachagua - présent à la séance de mercredi - ou sa défense vont également avoir l'occasion de contredire les preuves, d'exprimer des déclarations liminaires et de clôture lors des débats, selon l'ordre du jour du Sénat. En cas d'adoption par le Sénat, il deviendrait le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d'une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010.
Lire aussi : Revers en justice pour le vice-président kényan menacé de destitutionMais le vice-président, notamment accusé d'avoir menacé un juge, pourrait continuer son combat en justice à l'issue de la procédure parlementaire. "Je crois en l'indépendance du pouvoir judiciaire", a-t-il déclaré dimanche. "Je suis certain que les tribunaux exerceront l'autorité judiciaire et protégeront et feront respecter la Constitution et la volonté du peuple", a-t-il ajouté lors d'un service religieux dans le centre du Kenya.
"Cartouche usagée"
William Ruto, qui est à ce stade resté silencieux sur la procédure de destitution de son numéro deux, avait choisi M. Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation sulfureuse déjà marquée par plusieurs accusations de corruption. Doté d'un solide réseau d'influence notamment dans la région stratégique du Mont Kenya, cet ancien homme d'affaires de l'ethnie kikuyu - majoritaire dans le pays - a joué un rôle crucial dans la victoire de M. Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%).
Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l'Etat se sont détériorées notamment depuis un mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet. Les détracteurs du vice-président l'accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l'Etat face aux manifestations qui demandaient sa démission. La répression de cette contestation a fait plus de 60 morts.
Lire aussi : Le Sénat examine la destitution du vice-président kényanLe mouvement s'est essoufflé mais le ressentiment est toujours présent, et la crise actuelle au sommet de l'Etat est pour de nombreux Kényans un nouveau signe de déconnexion de la classe politique. Lors d'un point de presse avant le vote de la semaine dernière, M. Gachagua a démenti avec véhémence ce qu'il a qualifié d'"allégations absurdes", et exprimé son sentiment d'avoir perdu de son utilité pour le gouvernement.
"Je suis désormais considéré comme une cartouche usagée", a-t-il déclaré. "Ils veulent m'écarter et nommer quelqu'un d'autre, au mépris de la volonté des Kényans", a-t-il poursuivi. "C'est ce que nous appelons la tromperie politique, l'escroquerie et la trahison."