Le diplomate, Andreï Karlov, a été abattu de plusieurs balles alors qu'il prononçait une allocution lors de l'inauguration d'une exposition d'art dans la capitale turque.
Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine, dans des déclarations séparées, ont qualifié cet assassinat de "provocation" visant à torpiller la normalisation entre les deux pays, entamée en août après une grave crise diplomatique. Ils s'étaient parlé au téléphone peu après l'attaque.
Sur une vidéo diffusée sur internet, on voit l'assassin hurlant, d'abord en arabe avec un accent marqué, puis en turc. L'ambassadeur est allongé à terre à côté de lui.
L'homme, en costume noir et armé d'un pistolet, crie "Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand") et évoque en arabe "ceux qui ont fait allégeance au djihad".
"N'oubliez pas la Syrie, n'oubliez pas Alep", crie-t-il ensuite en turc à deux reprises. "Tous ceux qui prennent part à cette tyrannie rendront des comptes, un par un".
"Pendant que l'ambassadeur faisait un discours, un homme grand, portant un costume, a tiré d'abord en l'air, puis a visé l'ambassadeur", a raconté à l'AFP Hasim Kiliç, correspondant du quotidien Hürriyet dans la capitale turque et présent sur les lieux au moment de l'attaque. Trois autres personnes ont été blessées, selon les médias turcs.
- Minute de silence -
L'assassin présumé a été identifié par les autorités turques comme étant Mevlüt Mert Altintas, un policier de 22 ans. Il n'était pas clair dans l'immédiat si le policier faisait partie du dispositif de sécurité encadrant l'exposition.
Une perquisition a été menée à son domicile, a annoncé le parquet. Ses parents et sa soeur ont été arrêtés, selon l'agence Dogan.
Dénonçant "un acte terroriste", la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a déclaré que "les assassins seront punis".
Né en 1954, Andreï Karlov avait été nommé dans la capitale turque en juillet 2013. Marié et père d'un enfant, il avait été en poste dans les deux Corées, notamment comme ambassadeur à Pyongyang de 2001 à 2006.
Selon le ministre turc de l'Intérieur, l'assassin a été "neutralisé". Des photos le montrant à terre, visiblement mort, avec des impacts de balle sur le mur derrière lui, ont été diffusées sur les réseaux sociaux.
Le Conseil de sécurité observera mardi une minute de silence en mémoire de l'ambassadeur, a annoncé le représentant espagnol auprès des Nations unies, Roman Oyarzun.
Les Etats-Unis ont condamné "cet acte de violence, quelle qu'en soit l'origine"; le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon "un acte terroriste insensé". La responsable de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini s'est dite "profondément choquée" par cet assassinat, tandis que le président français François Hollande l'a condamné "avec force".
Pour le président élu des Etats-Unis Donald Trump, ce meurtre a été commis par un "terroriste islamique radical".
La Syrie, où la Russie apporte un soutien militaire crucial au régime du président Bachar al-Assad, a condamné un "crime abominable".
- Coopération malgré les divergences -
"Je ne crois pas qu'il y ait de conséquence considérable (sur les relations entre les deux pays), mais sur un plan symbolique, ça montre que ce qui se passe à Alep ne passe pas auprès d'une partie de la population musulmane", a estimé Dominique Moïsi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne, un think tank basé à Paris.
Aykan Erdemir, de la Fondation pour la Défense de la démocratie basée à Washington, estime qu'Ankara "marche sur la corde raide en tentant de trouver un modus vivendi avec la Russie en Syrie", alors que les partisans du parti islamo-conservateur au pouvoir, l'AKP, voient d'un mauvais oeil le soutien apporté par Moscou au régime du président Assad.
"Quand on voit les manifestations à Istanbul contre la Russie et l'Iran et en soutien à Alep, on voit que les partisans zélés de l'AKP y sont", explique-t-il.
Cet attentat est justement survenu à un moment où les relations turco-russes se réchauffent depuis plusieurs mois, après une grave crise diplomatique née de la destruction en novembre 2015 par l'aviation turque d'un avion militaire russe au-dessus de la frontière syro-turque.
C'est à la faveur d'un accord de cessez-le-feu parrainé par la Turquie et la Russie que les quartiers de l'est d'Alep qui étaient tenus par les rebelles sont peu à peu évacués depuis jeudi.
La Russie est le principal allié du régime syrien, qui est en passe de reprendre Alep, la deuxième ville de Syrie, alors que la Turquie soutient les rebelles qui cherchent à le renverser.
Une réunion axée sur le dossier syrien est prévue pour mardi à Moscou entre les chefs des diplomaties russe, turque et iranienne.
Avec AFP