L'Anambra, une élection test pour les indépendantistes pro-Biafra au Nigeria

Des habitants attendent pour voter dans un bureau de vote dans l'État d'Anambra, Nigeria, le 6 février 2010.

L'élection sous haute surveillance du gouverneur de l'Anambra, dans le sud-est du Nigeria, aura valeur de test samedi pour le mouvement indépendantiste pro-Biafra qui a appelé au boycott de tous les scrutins jusqu'à l'organisation d'un référendum d'autodétermination.

Les autorités fédérales n'ont pas pris les choses à la légère: 26.000 policiers, dont des unités anti-terroristes, seront déployés en renfort dans la région pour "assurer la sécurité" des électeurs durant le vote.

Trois hélicoptères de surveillance survoleront les bureaux de vote et dix vedettes de l'armée seront positionnées sur le fleuve Niger, tandis que plus de 300 véhicules dont des blindés patrouilleront les grandes villes de l'Etat d'Anambra.

"C'est un déploiement sans précédent", estime Don Okereke, consultant en sécurité basé à Lagos. "C'est une aberration, c'est comme si nous étions dans une situation de guerre, pour l'amour de Dieu, c'est seulement une élection".

"Ce sera contre-productif (...) et conduira à une faible participation des électeurs et à l'élection de candidats impopulaires", affirme-t-il à l'AFP.

Le président Muhammadu Buhari, ex-militaire originaire du nord impopulaire dans l'ex-Biafra à majorité igbo, a rendu visite mardi aux responsables politiques locaux et a apporté son soutien au candidat de son parti, l'APC, bien que le vote de samedi soit peu à même de bouleverser l'échiquier politique national.

Elle aura en revanche valeur de test pour le Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob), qui réclame la sécession du sud-est rebelle, qui, il y a 50 ans, plongeait dans une vaine guerre civile pour l'indépendance qui fit plus d'un million de morts.

Son leader, Nnamdi Kanu, que l'AFP avait rencontré en mai, avait alors appelé ses partisans à la "désobéissance civile" et au "boycott absolu" de toutes les élections jusqu'à l'organisation d'un référendum d'autodétermination pour la région.

'Militarisation'

En septembre, de violents affrontements ont opposé ses partisans aux forces de l'ordre dans l'Etat voisin d'Abia, après un déploiement massif de troupes dans la région - officiellement dans le cadre d'une opération de lutte contre la criminalité.

L'Ipob a été déclarée "organisation terroriste" et son chef, qui doit être jugé pour "trahison" à Abuja, n'est pas apparu à l'ouverture de son procès mi-octobre.

Il reste introuvable depuis les violences de septembre au cours desquelles les forces de sécurité avaient pris d'assaut sa maison, et sa famille assure qu'il a été capturé par les militaires - ce que l'armée dément.

Le 30 mai, l'Ipob avait déjà lancé une journée morte pour commémorer le cinquantenaire de la déclaration d'indépendance du Biafra en 1967.

L'appel avait été très suivi, notamment à Onitsha, capitale économique de l'Anambra, où écoles, hôpitaux, magasins et marchés étaient restés fermés.

Les frustrations sont grandes dans cette région très pauvre où beaucoup d'Igbos se disent marginalisés par le pouvoir central depuis la guerre civile qui a dévasté leur économie et leurs infrastructures.

L'Ipob affirme avoir adopté la stratégie du boycott pour éviter toute effusion de sang et dénonce la "militarisation" du vote de samedi dans l'Etat d'Anambra.

"Cela n'a rien à voir avec le fait d'empêcher l'élection, qui consiste à sortir physiquement (dans la rue) pour perturber violemment le processus de vote", a déclaré l'organisation dans un récent communiqué.

Avec les renforts annoncés, il y aura "onze membres des forces de sécurité lourdement armés par bureau de vote", assure l'Ipob. "Cette militarisation est la principale raison pour laquelle les Biafrais ont décidé à l'unanimité de rester chez eux et de boycotter les élections pour éviter de se faire tirer dessus et d'être tués".

De son côté, la police fédérale a exhorté les électeurs à ignorer l'appel au boycott, avertissant l'Ipob qu'elle "n'hésiterait pas à utiliser tous les moyens légaux" pour éviter toute perturbation.

Avec AFP