L'armée déployée pour le discours à la nation du président sud-africain Jacob Zuma

Jacob Zuma devant le Parlement au Cap, Afrique du sud, le 17 mars 2016.

Le président sud-africain Jacob Zuma, sous le feu continu des critiques de l'opposition, devait prononcer jeudi soir son discours annuel à la nation devant le parlement au Cap, où plus de 400 soldats ont été appelés en renfort pour assurer la sécurité.

Dans un communiqué laconique, la présidence sud-africaine a annoncé mardi soir le déploiement de "441 soldats (...) pour maintenir la loi et l'ordre", autour du parlement en marge du discours du chef de l'Etat.

Très vite, l'opposition s'est offusquée de cette décision, à commencer par l'Alliance Démocratique (DA), qui a évoqué "une violation de la Constitution".

"La DA ne va pas rester sans rien faire et laisser +le parlement du peuple+ être transformé en démonstration de force pour intimider l'opposition", note un communiqué du premier parti d'opposition.

Le parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF) a de son côté qualifié ce déploiement de "déclaration de guerre contre les citoyens".

"Ils peuvent même emmener toute l'armée, ils ne peuvent pas arrêter les EFF. Nous allons demander des comptes au pouvoir", a prévenu le porte-parole du parti, Mbuyeseni Ndlozi, auprès du site internet Daily Maverick.

Selon Daniel Silke, analyste indépendant interrogé par l'AFP, ce deploiement sécuritaire montre "la nervosité avec laquelle l'ANC (le parti au pouvoir) arrive à cet évènement".

"Le parti est moins de sûr de lui et apparaît comme excessivement paranoïaque", ajoute t-il.

Depuis deux ans, le traditionnel discours du président à la nation est le théâtre de manifestations contre M. Zuma à l'extérieur du parlement, mais aussi au sein de l'assemblée elle-même.

En 2015, les députés EFF avaient refusé de laisser Jacob Zuma s'exprimer et avaient été expulsés du parlement par la police.

L'an dernier, les élus du parti de Julius Malema avaient recommencé mais avaient finalement quitté de leur propre chef l'assemblée en chantant des slogans hostiles au chef de l'Etat.

Autour du Parlement, la police avait dispersé la foule de manifestants à coups de grenades assourdissantes.

"Je pense que les Sud-Africains ont en ont assez de tout ce cinéma. Les forces de sécurité doivent faire leur travail, nous sommes un Etat, pas une république bananière", a déclaré la présidente du Parlement, Baleka Mbete, à la chaîne Enca.

Dès la mi-journée, les alentours du Parlement étaient quadrillés par des mètres de barbelés déroulés par les forces de sécurité, alors que les supporters de différents partis commençaient à se rassembler.

Confiance brisée

Cette année, le discours devrait encore être largement perturbé par l'opposition qui réclame toujours la démission de Jacob Zuma, après une délicate année 2016 pour le président de 74 ans.

En mars, il a d'abord été reconnu coupable de violation de la Constitution en faisant payer par le Trésor public des travaux de modernisation dans sa résidence privée du KwaZulu-Natal (est). Il en a depuis remboursé une petite partie, soit un demi-million d'euros.

En août, il est désigné comme le principal responsable de la défaite électorale de son parti, mis en minorité dans quatre des six plus grandes villes du pays.

Enfin, en octobre, c'est la publication d'un rapport officiel mettant en lumière ses relations troubles avec une richissime famille d'affaires d'origine indienne, les Gupta, qui affaiblit un peu plus le président.

Et il ne peut pas non plus compter sur la bonne santé de l'économie sud-africaine, engluée dans une croissance molle (+0,4%) et un chômage endémique (27%).

"Vous devez savoir qu'en tant que nation nous n'avons plus confiance en votre leadership", a déclaré Sipho Mila Pityana, le leader de Save SA, un groupe de militants de la société civile, à la veille du discours.

Jacob Zuma doit rester chef de l'Etat jusqu'en 2019, mais quittera son poste de président de l'ANC à la fin de l'année, ouvrant ainsi la guerre de succession au sein du parti.

A moins que la réouverture de près de 800 charges de corruption dans une vieille affaire de contrat d'armement, une autre épée de Damoclès au-dessus de sa tête, ne vienne écourter son mandat.

Avec AFP