Malgré les fermes avertissements de Pékin, qui considère Taïwan comme une de ses provinces, Mme Pelosi, une des plus hautes responsables américaines, a séjourné mardi et mercredi sur l'île. L'initiative de Mme Pelosi est considérée par la Chine comme une provocation, un soutien aux partisans de l'indépendance de Taïwan et un reniement de la promesse des États-Unis de ne pas avoir de relations officielles avec l'île.
En réponse, l'armée chinoise a lancé une série d'exercices militaires dans six zones maritimes tout autour de Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées et parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises. Les manœuvres, qui ont débuté jeudi à midi (04H00 GMT), incluaient notamment "des tirs de missiles conventionnels" vers les eaux au large de la côte est de Taïwan, a indiqué Shi Yi, un porte-parole des forces militaires chinoises.
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"Tous les missiles ont atteint leur cible avec précision, testant les capacités de frappe de précision et de déni d'accès" à la zone, a-t-il souligné dans un communiqué. Condamnant des "actions irrationnelles qui minent la paix régionale", le ministère taïwanais de la Défense a confirmé que l'armée chinoise avait tiré "11 missiles" balistiques de type Dongfeng "entre 13H56 et 16H00 dans les eaux au nord, au sud et à l'est de Taïwan". Il n'a pas précisé s'ils avaient ou non survolé l'île.
Tir et détonation
A Pingtan, une île chinoise située non loin des manœuvres en cours, des journalistes de l'AFP ont assisté jeudi après-midi au tir de plusieurs projectiles, qui se sont envolés dans le ciel après des détonations, laissant derrière eux des panaches de fumée blanche.
A cet endroit de Chine continentale qui est le plus proche de Taïwan, les reporters ont également aperçu cinq hélicoptères militaires volant à basse altitude près d'un site touristique en bord de mer. Les exercices militaires chinois doivent s'achever dimanche à midi.
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Selon le journal chinois Global Times, qui cite des analystes militaires, ces manœuvres sont d'une ampleur "sans précédent" et des missiles devraient survoler Taïwan pour la première fois.
"Si les forces taïwanaises viennent volontairement au contact de (l'armée chinoise) et viennent à tirer accidentellement un coup de feu, (l'armée chinoise) répliquera avec vigueur et ce sera à la partie taïwanaise d'en assumer toutes les conséquences", a indiqué à l'AFP une source militaire anonyme au sein de l'armée chinoise.
Les autorités de l'île ont condamné les exercices militaires, "un acte irrationnel visant à défier l'ordre international", selon elles. Pour Pékin, ces manœuvres – ainsi que d'autres, plus limitées, démarrées ces derniers jours – sont "une mesure nécessaire et légitime" après la visite de Mme Pelosi.
"Face à des provocations malveillantes qui enfreignent de manière aussi flagrante la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine, nos contre-mesures sont justifiées", a déclaré jeudi devant la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Les exercices visent à simuler un "blocus" de l'île et incluent "l'assaut de cibles en mer, la frappe de cibles au sol et le contrôle de l'espace aérien", selon l'agence officielle Chine nouvelle.
Tensions récurrentes
Les principaux sites internet du gouvernement taïwanais ont été temporairement inaccessibles durant la visite de Nancy Pelosi, affirment les autorités de Taïwan, qui mettent cela sur le compte de cyberattaques qui seraient liées à la Chine et à la Russie.
Si l'hypothèse d'une invasion de Taïwan, peuplée de 23 millions d'habitants, reste peu probable, elle s'est amplifiée depuis l'élection en 2016 de l'actuelle présidente Tsai Ing-wen.
Issue d'un parti indépendantiste, Mme Tsai refuse, contrairement au gouvernement précédent, de reconnaître que l'île et le continent font partie "d'une même Chine". Les visites de responsables et parlementaires étrangers se sont également multipliées ces dernières années, provoquant l'ire de Pékin.
En réponse, la Chine du président Xi Jinping, qui se veut intraitable sur les questions de souveraineté, cherche à isoler diplomatiquement Taïwan et exerce une pression militaire croissante sur l'île. La Chine n'a toutefois aucune envie que la situation actuelle dégénère, déclarent des experts à l'AFP.
"Une guerre accidentelle" provoquée par un incident "est la dernière chose que souhaite Xi Jinping" avant le congrès du PCC, estime Titus Chen, professeur de sciences politiques à l'université nationale Sun Yat-Sen à Taïwan.
Amanda Hsiao, analyste Chine au cabinet de réflexion International Crisis Group, note toutefois que ces exercices "représentent une nette escalade par rapport à la norme des activités militaires chinoises autour de Taïwan et à la dernière crise du détroit de Taïwan en 1995-1996". Et "en agissant ainsi, Pékin indique qu'il rejette toute souveraineté" des autorités taïwanaises sur l'île, souligne-t-elle.