L'aviation éthiopienne bombarde la capitale du Tigré rebelle

"Un avion (...) a largué des bombes sur une zone résidentielle et un jardin d'enfants à Mekele. Des civils ont été tués et blessés", dénoncent les autorités rebelles.

L'aviation éthiopienne a bombardé vendredi Mekele, capitale de la région rebelle du Tigré, marquant une escalade brutale dans les combats qui ont repris mercredi dans le nord du pays, après cinq mois de trêve.

Le gouvernement fédéral du Premier ministre Abiy Ahmed n'a pas immédiatement confirmé cette frappe, mais a concomitamment annoncé dans un communiqué son intention de mener des "actions" au Tigré, appelant la population à se tenir éloignée des cibles militaires. Il a en revanche catégoriquement démenti les accusations des rebelles selon lesquelles l'armée fédérale avait tué des civils.

En début d'après-midi, un porte-parole des autorités rebelles, Kindeya Gebrehiwot, a annoncé que l'aviation éthiopienne avait "largué des bombes sur une zone résidentielle et un jardin d'enfants à Mekele", tuant et blessant des civils.

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Un responsable de l'hôpital Ayder, le principal de la ville, a affirmé dans un message à l'AFP que son établissement avait reçu quatre morts, dont deux enfants, et neuf blessés. "L'aviation militaire éthiopienne répond clairement à l'attaque lancée contre l'Ethiopie en ne visant que des sites militaires", a répondu le service de communication du gouvernement dans un message à l'AFP. Il a accusé les rebelles tigréens de "déposer des faux sacs mortuaires dans des zones civiles pour affirmer que l'aviation a attaqué des civils".

Gouvernement et rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) se rejettent la responsabilité de la reprise des combats à la frontière sud-est de la région, qui ont mis fin mercredi à cinq mois de trêve.

Depuis qu'elle a éclaté en novembre 2020, la guerre dans le nord de l'Ethiopie a fait plusieurs milliers de morts, déplacé plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers d’Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon les Nations unies.

Appels internationaux

Cette escalade semble confirmer les inquiétudes de la communauté internationale qui redoute une reprise du conflit à grande échelle et craint de voir annihilés les maigres espoirs de négociations de paix entrevus depuis juin, mais jamais concrétisés. Dès mercredi, de nombreux pays et organisations internationales, ONU, Etats-Unis et Union européenne en tête, ont appelé à une cessation des hostilités et à une résolution pacifique du conflit qui dure depuis 21 mois.

"Alors que la communauté internationale appelle les deux parties belligérantes à la désescalade, Abiy Ahmed a choisi d'envoyer son aviation attaquer les civils à Mekele", s'est insurgé sur Twitter un porte-parole des rebelles, Getachew Reda. Il a appelé la communauté internationale à "arrêter de choyer Abiy" et à faire "pression sur le régime pour le pousser à des négociations de bonne foi".

Vendredi, les autorités éthiopiennes en ont elles aussi appelé à la communauté internationale, lui demandant de "condamner" les "provocations permanentes" des rebelles tigréens et à les pousser "vers l'option de la paix proposée par le gouvernement".

Habitants en fuite

Avant le bombardement de Mekele, les combats étaient localisés dans deux zones des régions de l'Amhara et de l'Afar entourant la pointe sud-est du Tigré, et ne semblaient pas s'être étendus. Vendredi, les combats se poursuivaient pour la troisième journée consécutive, selon des habitants.

Les journalistes n'ont pas accès au nord de l'Ethiopie, rendant impossible toute vérification indépendante. Le réseau mobile dans ces zones est également aléatoire.

"J'entends le son des armes lourdes, mais pas de coups de feu", a déclaré vendredi à la mi-journée, sous couvert d'anonymat, un fonctionnaire de la localité amhara de Kobo, à environ 500 kilomètres au nord d'Addis Abeba et à une dizaine de kilomètres au sud de la frontière avec le Tigré.

"Peu d'informations claires" circulent, ce qui crée de "la confusion, de la peur et de l'incertitude" au sein de la population, a-t-il ajouté, précisant que des "femmes et des enfants tentent de quitter la ville", où certains services publics et commerces ont cessé leur activité.

Egalement dans la région de l'Amhara, un habitant de Mehago, zone frontalière du Tigré située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Kobo, disait vendredi entendre "des explosions et coups de feu" depuis la veille. "D'importants groupes d'habitants fuient les localités alentour", a-t-il indiqué à l'AFP.

En région Afar, "des combats se poursuivent" vendredi entre les localités de Yalo et Gulina, respectivement situées à une quinzaine et une vingtaine de kilomètres de la frontière du Tigré, a indiqué à l'AFP une source humanitaire.