La rivalité qu'il entretenait avec l'ancienne secte islamiste de Boko Haram s'est exacerbée depuis plusieurs années, et affaiblissait les deux groupes. Mais l'Iswap, qui était déjà devenu le groupe dominant, semble avoir pris un contrôle clair et étendu sur la région.
Il y a deux semaines, cette branche de l'EI a lancé une opération sur les terres de Boko Haram, dans la forêt de Sambisa et ses combattants ont encerclé la maison de son chef historique.
Abubakar Shekau a été grièvement blessé dans des combats, selon des sources proche des services de renseignement. Les médias nigérians ont d'ailleurs affirmé qu'il avait été tué ou se serait suicidé en se faisant exploser.
Même si ces éléments sont flous et que pour l'instant, aucun des deux groupes jihadistes n'a annoncé officiellement son décès, il est certain néanmoins que les combats entre les deux groupes rivaux se sont intensifiés.
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L'Iswap a exécuté au moins dix commandants de Boko Haram, tandis que trente autres membres éminents de l'organisation l'ont rejoint, selon des sources proches des renseignements et des habitants de la région.
Selon des sources sécuritaires, le groupe a également renommé comme commandant dans la forêt de Sambisa, Abu Mus'ab Al-Barnawi, le fils du fondateur de Boko Haram, Mohammed Yusuf, qui avait déjà été choisi par l'EI en 2016 pour diriger le mouvement jihadiste dans la région.
Cette montée en puissance et cette réorganisation apparente du groupe est extrêmement inquiétante, car elle signifie que l'Iswap dispose désormais d'une plus grande partie du territoire, mais aussi de plus de combattants et d'armes à disposition.
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Opération séduction
Comme à son habitude, le groupe s'est lancé dans "une campagne de séduction auprès des civils dans ses anciennes et nouvelles zones d'influence", affirme sur Twitter Vincent Foucher, chercheur au Centre français de la recherche scientifique (CNRS), citant des sources dans la région.
En effet, à la différence de Boko Haram qui n'hésitait pas à tuer les civils qui ne s'engageaient pas à leurs côtés dans des attentats ou des massacres particulièrement abominables, l'Iswap préfère gagner la confiance des populations et récolter des mannes financières organisées.
"Les combattants de l'Iswap affirmeraient que Shekau est mort, qu'ils contrôlent désormais la zone, et que les civils musulmans sont en sécurité du moment qu'ils s'acquittent de l'impôt" islamique, poursuit Vincent Foucher dans son Tweet.
Dans la région du lac Tchad, l'Iswap a effectivement envoyé un message aux habitants pour leur dire qu'ils étaient les bienvenus au sein de leur califat autoproclamé, atteste à l'AFP un pêcheur de Baga, localité sur les rives du lac Tchad.
Les combattants ont également affirmé vouloir "en finir avec Boko Haram, pour ensuite se tourner vers les soldats nigérians", ajoute-t-il. "Ils ne veulent pas avoir à combattre sur deux fronts en même temps".
Outre la forêt de Sambisa, le groupe Boko Haram dispose d'importants bastions de part et d'autre de la frontière avec le Cameroun à Gwoza, Pulka, et dans les montagnes de Mandara, ainsi qu'au Niger.
"Pour véritablement consolider son emprise, l'Iswap devra soumettre ou convaincre ces camps de le rallier", selon un responsable sécuritaire dans la région.
Montée en puissance
L'entreprise semble déjà avoir commencé: la semaine dernière, des jihadistes de l'Iswap à bord de bateaux rapides ont attaqué plusieurs camps dans la région de Bosso au Niger, où les combats ont fait de nombreux morts, selon des sources proches des renseignements.
"Il y a eu des affrontements sanglants à Agadira, Lelewa et Kwatar Bauna entre l'Iswap et Boko Haram", détaille l'une de ces sources.
Ders tirs ont également été entendus du côté des montagnes de Mandara, le long de la frontière entre le Nigeria et le Cameroun, où des combattants de Boko Haram ont refusé de se soumettre au groupe désormais dominant.
"Si Iswap parvient à rallier les troupes de Boko Haram et ses ressources, cela risque de renforcer son poids et sa capacité d’expansion", note Yan Saint-Pierre, qui dirige le centre d'analyse en sécurité Modern Security Consulting Group.
Les jihadistes pourront isoler davantage Maiduguri, grande capitale de l'Etat du Borno, encore relativement protégée et où se sont réfugiés plus d'un million de civils, mais surtout mettre encore davantage à rude épreuve une armée déjà retranchée dans "des super-camps" et fortement dépendante des frappes aériennes.