L'épidémie n'a été annoncée qu'en janvier 2016, des mois après l'apparition du premier cas, en août 2015, et des cas suspects ont été détectés dans plus de dix Etats de ce pays de 170 millions d'habitants, dont un cas mortel à Abuja, la capitale, et un autre dans le hub pétrolier de Port Harcourt.
La transmission de ce virus se fait par les excrétions (excréments, mucus, salive...) de rongeurs ou par contact direct avec du sang, des urines, des selles ou d'autres liquides biologiques d'une personne malade.
Plusieurs experts s'inquiètent de nouvelles contaminations possibles au moment des fêtes de fin d'année, au moment où les Nigérians ont voyagé d'un bout à l'autre du pays, pour rendre visite à leur famille, à bord de bus bondés.
"Il est possible qu'on ne voie que la partie immergée de l'iceberg" pour l'instant, prévient l'épidémiologiste Chikwe Ihekweazu.
"Ma plus grande peur, à l'heure actuelle, est que, vu le nombre de cas rapportés sur une étendue géographique très vaste, les chaînes de transmission soient difficiles à identifier, ce qui va rendre les contrôles bien plus difficiles", a-t-il ajouté.
Durant l'épidémie de fièvre Ebola particulièrement meurtrière qui a sévi en Afrique de l'Ouest en 2014, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait salué "le succès spectaculaire" du Nigeria, qui avait réussi à contenir ce qui aurait pu devenir "une épidémie urbaine apocalyptique" grâce, notamment, à la réaction très rapide des autorités.
Seules sept personnes sont mortes, sur 19 contaminées, de la maladie très contagieuse qui a fait plus de 11.000 morts en Afrique de l'Ouest.
- Une système de santé défaillant -
Mais la récente épidémie de fièvre Lassa semble mettre en lumière les failles du système de santé nigérian, notamment des patients peu informés, un manque d'équipement dans certains endroits et un personnel médical pas toujours formé à reconnaître le virus.
Pour Michael Asuzu, professeur de santé publique à l'Université d'Ibadan, dans le sud-ouest du Nigeria, les autorités sanitaires ont mis très longtemps à réagir à cette nouvelle épidémie de fièvre Lassa parce que les habitants de Foka, le premier village infecté, dans l'Etat de Niger (nord-ouest), ont pensé que les morts suspectes étaient dues à des causes surnaturelles.
"Ils ont cru que c'était lié à des rites traditionnels qu'ils faisaient à ce moment-là", explique M. Asuzu, qui préside un comité nommé par le gouvernement pour enquêter sur cette nouvelle épidémie.
Pour les experts, si la fièvre Lassa est assez commune au Nigeria --la maladie tire d'ailleurs son nom d'une localité du nord du Nigeria où elle a été identifiée pour la première fois en 1969-- le bilan de cette nouvelle épidémie est préoccupant.
Selon le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), il y a de 100.000 à 300.000 cas par an en Afrique de l'Ouest dont 5.000 décès.
Dès l'annonce de l'épidémie, plus tôt ce mois-ci, le ministre de la Santé, Isaac Adewole, a reconnu lui-même que "le grand nombre de morts" était "inhabituel".
"Au vu des chiffres qui ont été rapportés, je pense que ça n'est vraiment pas bon pour le pays", pense Deborah Ehichioya.
Les médecins pourraient avoir du mal à diagnostiquer la maladie, d'où le taux de mortalité plus élevé que d'habitude, ce qui pourrait, par conséquent, favoriser la contamination dans les hôpitaux notamment.
Avec AFP