Avec 34,2 à 34,5% des suffrages, le Rassemblement national (RN) et ses alliés devancent la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP), qui obtient 28,5-29,1%, loin devant le camp d'Emmanuel Macron à 20,5-21,5%, lors de ce vote marqué par une participation en forte hausse. Les Républicains (droite) qui n'ont pas fait alliance avec le RN s'établissent à 10%.
Lire aussi : En France, ces binationaux "blessés" par le projet de l'extrême droite de leur interdire certains métiersLes premières projections en sièges pour la future Assemblée nationale, à prendre avec beaucoup de précautions, créditent le RN et ses alliés d'une forte majorité relative, voire une majorité absolue, à l'issue du deuxième tour qui aura lieu dimanche prochain.
Après la dissolution surprise de l'Assemblée nationale, annoncée par le président français au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin, le paysage politique devrait être profondément bouleversé.
Mais il s'agit en réalité de 577 scrutins pour choisir autant de députés, et la reconfiguration dépendra des dynamiques d'ici le second tour et des éventuels désistements et consignes de vote dans chaque circonscription. D'autant que le second tour pourrait être marqué par un nombre record de triangulaires.
"Large rassemblement"
"Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour", a affirmé Emmanuel Macron dans une déclaration écrite transmis aux médias dès 20 heures. Il a salué la "participation élevée" qui "témoigne de l'importance de ce vote pour tous nos compatriotes et de la volonté de clarifier la situation politique". "Leur choix démocratique nous oblige", a-t-il ajouté, après avoir réuni les chefs des partis du centre-droit avec lesquels il gouverne depuis 2017.
Le "bloc macroniste" est "pratiquement effacé" après le premier tour, a de son côté estimé la figure de proue de l'extrême droite Marine Le Pen, qui a annoncé sa réélection dès le premier tour dans sa circonscription du Pas-de-Calais (nord).
Alors que le "front républicain" contre l'extrême droite n'a cessé de se fissurer au fil des ans, le président de la République n'a pas totalement clarifié l'attitude à suivre en cas de duels entre le RN et le NFP ou de triangulaires. Des ténors de son camp semblaient jusqu'ici plutôt pencher pour un "ni RN, ni La France insoumise", le parti de gauche radicale membre du NFP, une position critiquée en interne.
A gauche, écologistes, socialistes et communistes ont annoncé qu'ils se retireraient si un autre candidat était mieux placé pour faire barrage au RN. Le chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon est allé dans le même sens en annonçant le retrait des candidats de gauche arrivés en troisième position dimanche.
Avec le meilleur score de son histoire au premier tour d'un scrutin, améliorant celui déjà record des européennes, le RN entrevoit la perspective inédite d'obtenir une majorité relative ou absolue le 7 juillet. Incarné par son jeune président Jordan Bardella, 28 ans, le parti d'extrême droite espère transformer l'essai dans une semaine.
Si Jordan Bardella entrait à Matignon, ce serait la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France. Le président du RN a toutefois prévenu qu'il n'accepterait le poste de Premier ministre que si son parti détient la majorité absolue. Il s'agirait aussi d'une cohabitation inédite entre Emmanuel Macron, président pro-européen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l'Union européenne, qui pourrait faire des étincelles sur les prérogatives des deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense.
Assemblée bloquée ?
Un autre scénario possible est celui d'une Assemblée bloquée, sans alliance envisageable entre des camps très polarisés, au risque de plonger la France dans l'inconnu. Malgré des divergences qui pouvaient sembler irréconciliables, la gauche est parvenue à s'unir dans la foulée de la dissolution. Mais les différends entre la gauche radicale et ses partenaires, notamment sur le leadership contesté de Jean-Luc Mélenchon, ont vite ressurgi.
Pendant ce temps, rien n'a semblé freiner la dynamique du RN en campagne sur le pouvoir d'achat et contre l'immigration: ni le flou sur l'abrogation de la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, ni les polémiques sur les binationaux, ou les propos sulfureux de certains candidats d'extrême droite.
Au terme de cette journée qui a vu un fort afflux dans les bureaux de vote, la participation devrait s'établir au moins à 65% des inscrits, selon les instituts de sondage. Soit bien au-delà des 47,51% de 2022, mais en-deçà des 67,9% des dernières législatives organisées après une dissolution, en 1997.
Dans les bureaux de vote, beaucoup d'électeurs ont témoigné pendant la journée de leur fébrilité. "J'aimerais retrouver de la sérénité car depuis les élections européennes, tout a pris une ampleur inquiétante. Mais il faut continuer à se battre pour ce que l'on croit", a affirmé à l'AFP Roxane Lebrun, 40 ans, à Bordeaux. A Saint-Etienne, Christophe, policier de 22 ans, s'inquiétait d'un scrutin qui risque d'"encore plus diviser la population".