L'ONU reporte une conférence interlibyenne en raison des violents combats

Ghassan Salamé à Tripoli le 6 avril 2019.

L'ONU a annoncé mardi le report sine die d'une conférence interlibyenne qui devait aider le pays à sortir du chaos, en raison des combats en cours près de Tripoli entre les deux principaux camps rivaux.

"Nous ne pouvons pas demander aux Libyens de participer à la Conférence, au moment où les canons tirent et des raids aériens sont menés", a déploré l'émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, dans un communiqué.

M. Salamé expliquera sa décision devant le Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit se réunir mercredi d'urgence et à huis clos sur la Libye, ont annoncé mardi des diplomates à New York.

Depuis jeudi, malgré les appels à la retenue de la communauté internationale, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, et son Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée mènent une violente offensive pour s'emparer de la capitale Tripoli.

Soutenu par une autorité basée dans l'est du pays mais non reconnue internationalement, Khalifa Haftar espère ainsi étendre son emprise sur l'ouest de ce pays pétrolier, alors qu'il contrôle déjà l'est et --plus récemment-- le sud.

Mais, en face, les forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, affirment être déterminées à mener une contre-offensive généralisée, dénommée "Volcan de la colère".

Les organisations internationales craignent que les civils ne fassent une nouvelle fois les frais de ces affrontements interlibyens. Quelque 3.400 personnes ont déjà été déplacés par les combats, selon l'ONU.

Selon le dernier bilan du ministère de la santé du GNA arrêté dimanche soir, au moins 35 personnes ont été tuées depuis jeudi. Les forces pro-Haftar font état de 14 morts parmi leurs combattants.

Après une nuit plutôt calme, les combats ont repris dès mardi matin à une trentaine de km au sud de la capitale, en particulier à Gasr Ben Ghachir et Wadi Rabi, selon une source de sécurité à Tripoli.

- Raids aériens -

Le porte-parole des forces pro-GNA, le colonel Mohamad Gnounou, a indiqué que la banlieue de Wadi Rabi, était sous leur contrôle mardi, ajoutant que "l'ennemi" --les forces pro-Haftar-- avait été repoussé notamment vers les régions de Soug Al-Khamis et Al-Aziziya, plus au sud.

M. Gnounou a fait état de plusieurs raids aériens menés par les pro-GNA contre des positions de l'ANL au sud de Tripoli, ainsi que contre ses lignes d'approvisionnement dans le centre du pays.

De son côté le porte-parole de l'ANL, Ahmad al-Mesmari, a accusé le GNA de s'"allier avec des milices islamistes".

"La bataille n'est plus aux mains de (Fayez) al-Sarraj. Elle est désormais aux mains des terroristes", a-t-il dit lors d'une conférence de presse de Benghazi, citant notamment des milices venues de Misrata (200 km à l'est de Tripoli).

Les deux camps proclament quotidiennement des "avancées" mais jusqu'ici, sur le terrain, aucun des deux ne semble dominer les combats.

L'ANL a revendiqué lundi un raid aérien contre l'aéroport de Mitiga, le seul qui était encore opérationnel dans la capitale, provoquant la suspension immédiate des vols et l'évacuation de l'aéroport.

La frappe aérienne n'a pas fait de mort, mais un journaliste de l'AFP présent sur place lundi a pu voir un cratère d'un mètre de profondeur à proximité d'une piste d'atterrissage et un vieil hélicoptère militaire endommagé.

L'ANL a affirmé avoir visé un avion militaire MiG-23 et un hélicoptère.

- Reprise partielle des vols -

Mardi, l'Autorité de l'aviation civile a indiqué que seuls les vols nocturnes reprendraient pour l'instant à Mitiga.

Ces combats compromettent le processus politique, et le report de la Conférence nationale libyenne prévue du 14 au 16 avril à Ghadamès paraissait inéluctable.

En préparation depuis plusieurs mois par l'ONU, elle devait permettre de dresser une "feuille de route" à même de sortir le pays du chaos.

"Je suis plus déterminé que jamais à tenir cette conférence le plus tôt possible car nous ne pouvons pas perdre l'opportunité historique qu'elle représente", a toutefois déclaré l'émissaire de l'ONU.

Plus tôt, le secrétaire général de Nations unies, Antonio Guterres, avait "fermement condamné" "l'escalade" de la violence autour de Tripoli et appelé à "un arrêt immédiat" des combats.

Jusqu'ici les appels de l'ONU à l'arrêt des hostilités n'ont pas été entendus par les belligérants, et l'intensification des combats continue à inquiéter les organisations humanitaires.

- "Epargner les civils" -

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a rappelé "toutes les parties" à "leur obligation, en vertu du droit international, de garantir la protection des civils et des infrastructures civiles".

Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a appelé mardi devant le Conseil de sécurité "à épargner les civils, notamment les réfugiés et les migrants bloqués" en Libye.

Auparavant, le HCR avait annoncé avoir évacué plus 150 réfugiés d'un centre de détention situé dans une zone de combats au sud de la capitale.

L'Unicef a indiqué de son côté que "près d'un demi-million d'enfants à Tripoli et des dizaines de milliers d'autres dans les régions occidentales sont directement menacés".

Malgré le spectre d'une guerre généralisée, les grandes puissances ont échoué jusqu'ici à se mettre d'accord à l'ONU sur une déclaration appelant le camp Haftar à cesser son offensive.

La déclaration, soutenue entre autres par Washington, a été bloquée dimanche soir par Moscou, qui a dit tenir à ce que "toutes les parties" soient appelées à la retenue.