L'opposant russe Vladimir Kara-Mourza condamné à 25 ans de prison

Vladimir Kara-Mourza a été reconnu coupable de "haute trahison" et de diffusion de "fausses informations" sur l'armée russe.

Un tribunal de Moscou a condamné lundi l'opposant Vladimir Kara-Mourza à 25 ans de prison à l'issue d'un procès emblématique de la répression tous azimuts en Russie contre ceux qui s'opposent à l'offensive du Kremlin en Ukraine.

Il s'agit d'une sentence d'une sévérité inédite contre un opposant dans l'histoire récente de la Russie. M. Kara-Mourza, proche de l'opposant de premier plan Boris Nemtsov assassiné en 2015, était l'un des derniers grands critiques du Kremlin à ne pas être derrière les barreaux ou exilé à l'étranger.

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À l'issue d'un procès à huis clos, le tribunal a annoncé qu'il reconnaissait M. Kara-Mourza coupable de "haute trahison", de diffusion de "fausses informations" sur l'armée russe et de travail illégal pour une organisation "indésirable", selon une journaliste de l'AFP. En conséquence, il a été condamné à une peine cumulée de 25 ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à régime sévère, ce qui implique des conditions d'incarcération plus strictes. Soit ce qu'avait requis le Parquet.

Menotté dans la cage dévolue aux accusés, et vêtu d'un jean bleu, d'un t-shirt noir et d'une veste grise, l'opposant âgé de 41 ans a accueilli le verdict avec un sourire, avant d'enjoindre par des gestes ses soutiens à lui écrire en prison.

Indignation occidentale

Cette condamnation a immédiatement suscité l'indignation en Occident. Le gouvernement allemand a dénoncé avec "la plus grande fermeté" un jugement visant à "empêcher toute voix critique", tandis que Londres et le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme ont exigé la libération immédiate de M. Kara-Mourza.

L'une de ses avocats, Maria Eismont, a annoncé que M. Kara-Mourza allait faire appel. "C'est un terrible verdict mais il illustre la grande valeur de l'action de Vladimir", a estimé Mme Eismont, affirmant que son client restait d'humeur "vaillante" et pensait "sincèrement avoir agi pour le bien de la Russie". Sa mère, Elena, a, elle, fustigé après le verdict une "démonstration d'injustice effrontée" et "absurde".

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Lors de ses dernières déclarations le 10 avril, Vladimir Kara-Mourza s'était dit "fier" de son engagement politique, selon des propos publiés par le journaliste Alexeï Venediktov. "Je sais aussi qu'un jour viendra où les ténèbres qui recouvrent notre pays se dissiperont (...) quand ceux qui ont instigué et déclenché cette guerre (en Ukraine) seront qualifiés de criminels, et non ceux qui ont essayé de l'arrêter", avait-il encore dit.

Prison ou exil

En détention provisoire depuis avril 2022, M. Kara-Mourza a failli mourir après avoir été, selon lui, empoisonné à deux reprises, en 2015 et 2017, des tentatives d'assassinat qu'il attribue au pouvoir russe. Selon l'un de ses avocats, Vadim Prokhorov, l'opposant souffre de polyneuropathie et de pathologie neuromusculaire, conséquence des deux empoisonnements. Ses soutiens s'inquiètent d'une aggravation de sa santé à cause de sa détention.

D'après l'agence de presse russe TASS, l'opposant, qui a été déclaré "agent de l'étranger" par les autorités, était accusé de "haute trahison" pour avoir critiqué le pouvoir dans des interventions publiques en Occident.

M. Kara-Mourza a notamment plaidé aux États-Unis, en Europe et au Canada pour l'adoption de sanctions contre les responsables russes se rendant coupable de graves violations des droits humains, à l'instar de la "loi Magnitski" votée en 2012. L'opposant a aussi travaillé pour l'organisation Open Russia de l'ex-oligarque en exil et détracteur du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, déclarée "indésirable" par les autorités russes en 2017.

Le chef d'accusation de diffusion de "fausses informations" sur l'armée s'appuie quant à lui sur un amendement introduit après le déclenchement de l'offensive contre l'Ukraine, qui permet de réprimer toute information considérée comme mensongère par les autorités.

Ces dernières années, la quasi-totalité des opposants russes ont été condamnés à de lourdes peines de prison ou ont dû fuir le pays. Le plus connu, le militant anti-corruption Alexeï Navalny, purge une peine de neuf ans de privation de liberté pour fraude, une affaire largement vue comme étant politique. Il avait été arrêté en 2021 à son retour en Russie, après s'être remis d'un empoisonnement dont il accuse le Kremlin.

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