L'opposition équato-guinéen réduite à néant

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale, prend la parole lors du Sommet de la paix de Nelson Mandela, à New York, le 24 septembre 2018.

Un an après la dissolution du principal parti d'opposition, Citoyens pour l'innovation (CI), la politique est plus que jamais verrouillée à Malabo où le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE) règne en maître absolu.

"Ça ne sert à rien de militer dans la soi-disant opposition, car elle n'a vraiment pas de force pour s'imposer comme telle, c'est verrouillé", affirme Engonga, étudiant en sciences politiques à l'université nationale de Guinée équatoriale (UNGE).

Depuis lundi, quatre opposants ont été interpellés en Guinée équatoriale, selon CI et Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), le second parti d'opposition.

Trois l'ont été après qu'un fusil de chasse et une affiche du leader de CI, Gabriel Nse Obiang, ont été trouvés chez l'un d'eux, et le quatrième, membre de la CPDS, pour avoir critiqué le président, selon les deux partis.

Il y a un an, le 26 février 2018, CI a été dissous par la justice. Le verdict est tombé à la fin d'un procès d'une centaine de ses militants, arrêtés fin décembre 2017 après des échauffourées avec les forces de l'ordre pendant la campagne des législatives de novembre.

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Depuis, c'est l'hécatombe pour ce parti qui avait - fait rare en Guinée équatoriale - réussi à galvaniser des milliers de militants lors de cette campagne.

En mai 2018, la Cour suprême a condamné à trente ans de prison 21 de ses militants. Parmi eux figurait le seul député d'opposition à l'Assemblée nationale.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Teodoro Obiang Nguema en 1979, l'opposition n'a jamais eu que des miettes à l'Assemblée: lors des législatives de 2008, 2013, puis 2017, elle n'a obtenu qu'un seul siège sur 100.

A chaque fois, elle a dénoncé l'irrégularité de ces scrutins.

En octobre 2018, CI a bien cru que son député pourrait siéger, quand il a été libéré avec 33 autres militants par grâce présidentielle.

Mais la rentrée parlementaire s'est faite sans lui. Son parti a déclaré avoir en vain écrit plusieurs fois aux instances concernées pour protester.

"CI n'existe plus. Ce parti (...) a été aboli légalement à cause de ses activités pour encourager ou fomenter la délinquance, la violence, la rébellion et la haine", affirme sur son site internet le PDGE, tout-puissant parti au pouvoir.

"Manipulation"

Gabriel Nse Obiang, chef de CI, ancien directeur de cabinet militaire du chef de l'Etat, continue de contester cette dissolution.

"CI n'est pas dissous, c'est une manipulation du ministre de l'Intérieur et du PDGE", a-t-il déclaré à l'AFP, estimant que seul un décret présidentiel pouvait dissoudre son parti.

"La justice n'a pas le droit de dissoudre un parti politique, la dissolution est décidée par le Conseil des ministres, puis le président signe un décret", selon lui.

Depuis juin, il ne cesse de donner de la voix pour dénoncer "la dictature" et de présumés actes de torture sur ses militants emprisonnés.

Depuis les élections, CI a affirmé qu'au moins trois de ses militants ou partisans étaient décédés en prison, ce que Malabo a toujours démenti.

David Nguema Obiang, procureur général en février 2018 et désormais président de la Cour suprême, avait aussi sonné la charge contre le parti: "CI ne ressemble pas à un parti politique, c'est un groupe paramilitaire", avait-il déclaré à la télévision d'Etat.

Pour Basilio Edu, maçon au chômage, le parti d'opposition "a des problèmes parce que le pouvoir a vu que Gabriel Nse Obiang était sur le chemin du pouvoir s'il se présentait aux élections". Pour lui, Malabo "écarte tous les gens que la population aime, par la force".

Agustina Eyang, militante du parti au pouvoir, n'est pas d'accord: "pour faire de la politique, il faut être dans le PDGE, c'est le seul parti qu'on connait et qui a développé le pays. Les autres ne font rien."

En Guinée équatoriale, la plupart des opposants s'exilent après avoir haussé le ton contre le régime. En Europe, plusieurs caciques du pouvoir passés à l'opposition ont lancé des mouvements politiques.

Un procès de putschistes présumés doit se tenir à Malabo courant mars. Plusieurs opposants en exil ont été cités comme commanditaires.

Cela "s'inscrit dans un comportement récurrent du gouvernement, qui cherche depuis longtemps à faire taire les critiques", a estimé Marta Colomer de l'ONG Amnesty International, dans un communiqué.