L'Otan en grandes manoeuvres en Norvège au grand dam de la Russie voisine

Des soldats britanniques lors de l'exercice de la Force de réaction de l'OTAN à Oksbol, dans l'ouest du Jutland, au Danemark, le 16 mai 2007.

Quelque 50.000 soldats appuyés par des moyens matériels considérables lancent jeudi en Norvège les plus grandes manoeuvres militaires de l'Otan depuis la Guerre froide, une démonstration de force qui irrite la Russie voisine.

L'exercice Trident Juncture 18, qui se déroulera jusqu'au 7 novembre, vise à entraîner l'Alliance atlantique à accourir à la rescousse d'un de ses membres.

Il s'agit de "démontrer la capacité de défense de l'Otan face à n'importe quel adversaire", a affirmé l'amiral américain James Foggo, commandant en chef de l'exercice. "Il ne vise aucun pays en particulier".

La Russie est dans tous les esprits, elle qui a conduit les plus vastes manoeuvres de son histoire en septembre en Extrême-Orient.

"La Russie ne représente pas une menace militaire directe pour la Norvège", note le ministre norvégien de la Défense, Frank Bakke-Jensen.

"Mais dans une situation sécuritaire aussi compliquée qu'aujourd'hui (...) un incident ailleurs pourrait très bien accroître la tension dans le Nord et nous souhaitons préparer l'Alliance à éviter tout incident malheureux", explique-t-il à l'AFP.

Donald Trump a ajouté aux tensions en menaçant lundi de repartir dans une course à l'armement, deux jours après avoir retiré les États-Unis du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF), conclu en 1987 avec la Russie.

"Riposte" russe

Si les manoeuvres se tiendront à distance respectueuse de la frontière russo-norvégienne, longue de quelque 198 kilomètres dans l'Arctique, Moscou a manifesté son courroux.

Indépendamment de Trident Juncture 18, les États-Unis et la Grande-Bretagne intensifient les déploiements dans le pays scandinave pour acclimater leurs troupes au grand froid. À terme, 700 US Marines devraient se succéder par rotation sur le sol norvégien.

"Les principaux pays de l'Otan accroissent leur présence militaire dans la région, à proximité des frontières de la Russie", a dénoncé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, fustigeant "des cliquetis d'armes".

"De telles actions irresponsables mèneront forcément à la déstabilisation de la situation politique et militaire dans le Nord, à une hausse des tensions", a-t-elle dit, en promettant "des mesures nécessaires de riposte".

Sous la présidence de Vladimir Poutine, l'armée russe a déjà considérablement renforcé ses moyens dans l'Arctique. Des bases militaires aériennes ont été rénovées ou construites, et de nouveaux radars et systèmes de missiles antiaériens installés.

Épine dorsale de la Marine, la Flotte du Nord doit notamment recevoir cinq nouveaux navires de guerre, cinq bâtiments de soutien et quinze avions et hélicoptères d'ici la fin de l'année, selon le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou.

"Chorégraphie" militaire

"Côté russe, le dispositif militaire est revenu à peu près à ce qu'il était pendant la Guerre froide", analyse François Heibsbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), auprès de l'AFP. "Quelque part, l'Otan est aussi en train de revenir vers les mêmes dispositifs".

"On a un enclenchement assez mécanique", "un retour à une forme de chorégraphie" mais Trident Juncture 18 n'a "rien de déstabilisant", estime-t-il.

Rassemblant les 29 pays membres de l'Alliance atlantique rejoints par la Suède et la Finlande, l'exercice en impose par l'ampleur des moyens déployés. Les 50.000 soldats seront appuyés par 10.000 véhicules, 250 aéronefs et 60 navires, dont un porte-avions américain.

"Les exercices terrestres vont être menés à 1.000 km de la frontière avec la Russie et les opérations aériennes à 500 km. La Russie n'a aucune raison d'être inquiète", a affirmé le général norvégien Rune Jakobsen.

Deux observateurs russes et deux biélorusses sont invités.

Pour se déployer, le contingent britannique a entrepris un périple routier de cinq jours. "Cela montre (...) à nos alliés de l'Otan que l'armée britannique est prête à traverser l'Europe si nécessaire", a indiqué son porte-parole, le major Stuart Lavery, à l'AFPTV.

Avec AFP