L'UE face au casse-tête d'un partage plus juste du "fardeau" des réfugiés

Les sénateurs McCain (à g.) et Lieberman saluent des enfants dans un camp de réfugiés près de la frontière turco-syrienne (10 avril 2012)

Après le verrouillage controversé de la frontière gréco-turque, l'UE s'apprête à ouvrir un autre chantier migratoire à risques: la réforme des règles de répartition des demandeurs d'asile en Europe, qui font peser une charge démesurée sur les pays du Sud

"Injuste", "obsolète", le règlement de Dublin, qui détermine quel pays est responsable de l'examen d'une demande d'asile, est critiqué depuis des années. Et le record de plus de 1,25 million de requêtes déposées dans l'UE en 2015 n'a fait que rendre sa révision plus urgente.

Mais faire accepter une plus grande solidarité s'annonce délicat, tant certains Etats membres ont semblé indifférents aux difficultés de leurs partenaires les plus exposés aux flux migratoires. Voire au désespoir de Syriens, d'Afghans ou d'Irakiens, entre autres, fuyant la guerre et l'insécurité.

Après avoir retardé l'échéance, la Commission européenne mettra sur la table mercredi une série d'options possibles, avant de dévoiler ultérieurement une proposition formelle de réforme des règles actuelles.

Celles-ci ont été bâties sur un principe: le pays responsable d'une demande d'asile est celui qui a joué le rôle principal dans l'entrée du demandeur sur le territoire de l'UE. Concrètement, c'est le plus souvent le pays de première arrivée qui est considéré responsable en cas d'entrée irrégulière.

Ces règles visent à éviter que les demandeurs d'asile ne soient ballotés d'un pays à l'autre, ou qu'ils ne déposent des demandes dans plusieurs pays.

Mais elles font peser aujourd'hui une charge disproportionnée sur des pays comme l'Italie ou surtout la Grèce, devenue la principale porte d'entrée des migrants en Europe.

En vertu de l'actuel "système Dublin", les Etats de l'UE peuvent en effet transférer les demandeurs d'asile s'adressant à eux vers ces pays de "première entrée", dont le sort a fait les gardiens des frontières extérieures de l'espace de libre circulation de Schengen.

De fait, "Dublin" n'est plus vraiment appliqué. Les demandeurs d'asile arrivés par la Méditerranée poursuivent quand ils le peuvent leur route vers le Nord, visant l'Allemagne ou la Suède, à leur tour débordées.

Et les pays de "première entrée" ne font pas de zèle pour les retenir.

Les Etats membres ont même suspendu les renvois vers la Grèce, après que la justice européenne a estimé en 2011 que les conditions de traitement des demandes d'asile n'y étaient pas satisfaisantes.

Instrument de solidarité

La fermeture récente de la Route migratoire des Balkans, et le verrouillage décrié de la frontière gréco-turque, ne sont que des solutions provisoires. Car l'UE a le devoir d'accueillir des réfugiés, et donc d'avoir des règles consensuelles pour répartir leur accueil.

"Le processus de Dublin, dans sa forme actuelle, est obsolète", a estimé la chancelière allemande Angela Merkel devant le Parlement européen il y a quelques mois. Elle l'a prouvé par l'exemple, en ouvrant un temps les portes de l'Allemagne aux Syriens, pourtant arrivés par la Grèce.

Il faut trouver un plus "juste partage du fardeau", a récemment admis le commissaire chargé des migrations, Dimitris Avramopoulos.

Selon des fuites dans la presse, la Commission pourrait proposer un système centralisé, au sein duquel l'EASO, le Bureau européen de soutien pour l'asile, aurait un rôle de coordination.

"Dublin ne doit plus seulement être un mécanisme définissant les responsabilités, mais aussi un instrument de solidarité", selon M. Avramopoulos, qui plaide pour "une clé de répartition en fonction de laquelle les demandeurs d'asile seraient quasi automatiquement répartis" entre Etats membres.

Un tel système reviendrait à rendre pérenne le plan temporaire de "relocalisation" adopté en 2015, qui a tenté de répartir l'accueil de 160.000 demandeurs d'asile dans l'UE depuis l'Italie et la Grèce, en tenant compte de la situation économique et démographique de chaque pays européen.

Censé incarner la solidarité européenne, ce plan a suscité une levée de boucliers et a été attaqué en justice par la Hongrie et la Slovaquie. Même les pays ayant voté en sa faveur traînent des pieds pour l'appliquer: fin mars, seulement 1.100 personnes avaient été "relocalisées".

Comment, dès lors, une clé de répartition permanente, sans plafond, serait-elle acceptée par les Etats membres ?

La refonte de Dublin pourrait aussi se heurter à l'hostilité de Londres. Malgré son statut lui permettant de ne pas être soumis à de nouvelles règles, le Royaume-Uni semble des plus réticents à l'idée de ne plus pouvoir invoquer la responsabilité des pays de "première entrée".


Avec AFP