L'UE va multiplier ses sanctions, malgré leur peu d'effet

An anti-Brexit campaigner shows her support for Europe waving a European Union flag outside Parliament in London, March 25, 2019.

Russie, Birmanie, Venezuela, Hong Kong, Bélarus: l'Union européenne va sévir lundi contre les violations des droits dans ces pays après avoir multiplié les avertissements, mais les sanctions ciblées ont peu d'effet, déplorent les partisans d'actions plus musclées.

L'opposant russe Alexeï Navalny l'a dit crûment aux députés européens en novembre 2020, pendant sa convalescence en Allemagne où il a été soigné après avoir été empoisonné en Russie. "L'Union européenne devrait cibler l'argent, les oligarques, pas seulement les anciens oligarques, mais les nouveaux, membres du cercle proche de Poutine", a-t-il lancé.

"Tant que les yachts de M. (Alicher) Ousmanov continueront à mouiller à Barcelone ou à Monaco, personne en Russie ou au Kremlin ne prendra les sanctions européennes au sérieux", a-t-il estimé.

Le Parlement européen a voté une résolution en ce sens, mais elle n'est pas contraignante pour les Etats membres.

Alexeï Navalny a été arrêté à son retour à Moscou en janvier et il accumule depuis les condamnations. L'UE dénonce une politisation de la justice et exige sa libération. En vain.

Les Européens ont donc décidé de sévir. Ils vont actionner lundi leur nouveau régime de sanctions droits de l'homme. La décision sera prise au cours d'une réunion des ministres de Affaires étrangères à Bruxelles et les mesures seront effectives pour le sommet européen des 25 et 26 mars.

Les sanctions européennes consistent en une interdiction de visa et un gel des avoirs dans l'UE pour les personnes ou entités concernées.

Les proches d'Alexeï Navalny leur ont soumis des listes de personnalités du premier cercle du président, mais "il n'est guère possible de sanctionner les oligarques. Nous ne pouvons agir que contre des fonctionnaires, et cela uniquement si nous avons des preuves", souligne le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn.

L'adoption des sanctions nécessite l'unanimité des Vingt-Sept et le consensus est difficile à trouver. L'UE est très divisée sur l'attitude à adopter face à Moscou, reconnaît-on dans les capitales.

La crainte des représailles et d'une escalade des tensions pousse à la prudence, a dit à l'AFP un ministre européen. "Il faut éviter de couper les ponts", a-t-il plaidé.

Les Européens vont également "prendre des mesures appropriées" contre les auteurs du coup d'Etat en Birmanie après avoir sommé en vain l'armée de rendre le pouvoir, a annoncé samedi leur chef de la diplomatie Josep Borrell. Mais aucune indication ne laisse entendre qu'un gel des investissements européens soit envisagé.

De nouvelles sanctions contre le régime de Nicolas Maduro au Venezuela seront également discutées, a-t-on indiqué de source diplomatiques. Une trentaine de noms devraient être ajoutés à la liste noire de ce pays.

Leviers économiques

Les ministres doivent par ailleurs faire le point sur les mesures adoptées contre la répression menée à Hong Kong, où le principe "un pays, deux systèmes" est remis en cause par la Chine. "Nous devons voir s'il faut faire plus", a confié un diplomate européen.

L'emprisonnement et le harcèlement contre les journalistes au Bélarus pourraient également être punis. Mais trois trains de sanctions ont déjà été adoptés contre le régime et le président Alexandre Loukachenko a été inscrit sur la liste noire sans aucun effet. Et le soutien affiché de Vladimir Poutine conforte Minsk.

Les critiques se multiplient contre l'inefficacité des sanctions ciblées européennes. "L'Europe ne devrait pas avoir peur d'utiliser ses leviers économiques contre la Russie", soutient Ian Bond, directeur pour les affaires de politique internationale au Centre for European reform (CER).

"Une approche plus musclée vis-à-vis de la Russie pourrait fournir des résultats", renchérit Nicu Popescu, spécialiste des relations avec la Russie au European Council for Foreign Relations (ECFR).

Mais "il ne faut pas attendre une approche unie", déplore l'Italien Gianni Rotta, expert en désinformation auprès de la Commission euréopenne. "L'UE est confrontée à une pandémie et à des difficultés économiques croissantes, à une dépendance au gaz russe et compte quelques pays membres qui sympathisent avec le Kremlin ou sont dominés par des partis populistes alimentés par la Russie", a-t-il expliqué dans un entretien pour le centre Carnegie Europe.