"Récolter les armes est une affaire très difficile. Cela implique un effort collectif. Les gens ne remettront leurs armes qu'au moment où ils jugeront que le gouvernement peut assurer leur sécurité", déclare à l'AFP Gibril Ibrahim, le chef du Mouvement pour la Justice et l’Egalité, groupe rebelle signataire de l'accord de Juba.
Pour atteindre cet objectif, dit-il, "il faut bâtir une paix sociale. Si nous avons un gouvernement démocratique qui écoute la voix du peuple, les gens concluront qu'ils n'ont plus besoin d'avoir des armes pour se protéger".
À Khartoum, le pouvoir de transition est à ce jour une entité hybride de militaires et de civils mise en place après une révolte populaire ayant mis fin en 2019 à 30 ans de dictature d'Omar El-Béchir. Sa priorité: la paix avec les rebelles.
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Sous Béchir, ces rebelles issus de minorités ethniques luttaient pour un partage plus équitable des ressources et plus d'autonomie régionale. Un cessez-le-feu a été décrété de facto après la chute de M. Béchir, arrêté et jugé à Khartoum.
Selon un ex-chef d'un groupe armé, les rebelles sont au nombre de 50.000, dont 15.000 appartenant à deux groupes ayant refusé de signer l'accord du 3 octobre.
Fin septembre, l'armée a annoncé la destruction de 300.000 armes remises "volontairement" par des civils.
Mais la méfiance reste grande parmi les populations au Darfour (ouest), au Kordofan-Sud et au Nil Bleu (sud), où la guerre a fait des centaines de milliers de morts.
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"La clé"
"La confiance, c'est la clé du désarmement. Or, les militaires, étroitement liés aux abus commis par le régime Béchir, n'ont pas encore démontré une volonté de s'attaquer à la violence pour convaincre les habitants des régions rurales qu'ils peuvent déposer les armes", dit Jonas Horner, spécialiste du Soudan.
Ce directeur-adjoint de Crisis Group (ICG) pour la Corne de l'Afrique ne croit d'ailleurs pas que les rebelles signataires de l'accord remettront toutes leurs armes.
Il met aussi en avant le fait que deux importants mouvements insurgés ne l'ont pas signé.
"Ils ne désarmeront pas tant que le pouvoir ne sera pas devenu plus résolument civil, en éloignant les personnes associées" au régime Béchir.
Pour Yasser Arman, N.2 du Mouvement de Libération du Soudan-Nord (rebelle), signataire de l'accord de Juba, "les armes doivent être remises aux forces régulières". Mais "nous devons bâtir une armée professionnelle qui n'intervient pas dans les affaires politiques", souligne-t-il.
Depuis l'indépendance en 1956, le Soudan a été dirigé par des dictatures militaires pendant près de six décennies.
A Juba, conscient qu'ils manipulaient une matière explosive, les signataires ont agi à la manière de démineurs, mettant au point un protocole qui devra être suivi à la lettre pour appliquer l'accord et éviter une nouvelle guerre, selon les négociateurs.
Scepticisme
Le texte prévoit la réforme de l'armée avec la création dans les 45 jours à venir d'un "conseil suprême" dans chacune des trois régions --Darfour, Kordofan-sud, Nil Bleu--, chargé de mener les procédures nécessaires au désarmement des rebelles, à leur démobilisation ou à leur intégration dans l'armée.
Au Darfour, le processus d'intégration doit durer 15 mois. Dans les deux autres provinces, trois étapes de 39 mois au total sont prévues.
Selon le site GunPolicy.org de l'Université de Sydney, il y avait en 2017 2,76 millions d'armes à feu aux mains des rebelles et civils au Soudan, dont seulement 6.724 enregistrées.
"Le volet sécuritaire de l'accord est le plus complexe", admet Mohammed Hassan al-Taichi, porte-parole des négociateurs gouvernementaux. "Nous devons intégrer les rebelles dans l'armée, qui doit être elle réformée. La collecte des armes se fera au moment où ils commenceront à rejoindre les camps d'entraînement".
Jonas Horner est néanmoins sceptique. "Le désarmement des civils n'est pas un objectif réaliste. Tant qu'un semblant de paix durable ne sera pas en place avec une autorité centrale de confiance, cela n'incitera pas (les rebelles) à se conformer aux programmes de désarmement du gouvernement."