Kenyatta remporte la présidentielle boycottée par l'opposition

Le président Uhuru Kenyatta donne un discours au palais présidentiel, à Nairobi, le 21 septembre 2017.

Le président kényan Uhuru Kenyatta a remporté l'élection présidentielle du 26 octobre avec un score à la soviétique (98,26% des voix) à l'issue d'une élection boycottée par l'opposition et dont le pays sort plus que jamais divisé.

Le président de la Commission électorale (IEBC), Wafula Chebukati, a annoncé que M. Kenyatta avait recueilli 7,483 millions de voix, soit 98,26% des voix contre 73.228 à M. Odinga, qui a réuni sur son nom 0,96% des votes, signe que son appel au boycott a été largement respecté par ses partisans.

La participation, élément crucial de ce scrutin, s'élève à 38,8% de l'ensemble des électeurs inscrits, en très forte baisse par rapport au scrutin du 8 août (79%) annulé par la Cour suprême pour "irrégularités". Le taux de participation du 26 octobre est le plus faible enregistré depuis le retour du multipartisme en 1992.

La victoire de M. Kenyatta pourrait faire l'objet de recours en justice. Elle fait aussi craindre de nouvelles violences dans les bastions de l'opposition et soulève déjà dans les médias locaux la question de la légitimité du président au terme d'une élection tronquée.

L'IEBC a en effet annoncé les résultats de la présidentielle sur la base des 266 circonscriptions où le vote a pu avoir lieu jeudi. Elle a considéré que le résultat global sur l'ensemble du pays ne pouvait être remis en cause, même si le scrutin devait finalement être organisé dans l'Ouest. Elle ne s'est pas prononcée lundi sur ce dernier point.

L'écrasante majorité des bureaux de vote de quatre comtés de l'Ouest (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya) - sur les 47 que compte le pays - n'avaient pas ouvert leurs portes jeudi, en raison d'une situation chaotique et de graves troubles sécuritaires dans ces bastions de l'opposition.

Ainsi, le vote n'avait pu avoir lieu dans 25 circonscriptions (sur 291 au total - 290 à laquelle s'ajoute la circonscription de la diaspora), représentant quelque 9% du corps électoral.

La Commission avait tenté d'organiser à nouveau le scrutin samedi dans ces circonscriptions, avant d'y renoncer in extremis, estimant que la sécurité de son personnel n'y était pas garantie.

Cette crise politique, la pire depuis dix ans dans ce pays d'Afrique de l'Est, a déjà durement affecté l'économie la plus dynamique de la région et épuisé les Kényans, qui aspirent pour beaucoup d'entre eux à reprendre une vie normale.

'Pas d'élection dans 90 jours'

L'élection de jeudi avait été organisée après l'invalidation, historique sur le continent, de la réélection le 8 août de M. Kenyatta avec plus de 54% des voix, la Cour suprême ayant relevé des irrégularités dans le processus de transmission des résultats.

M. Odinga, 72 ans et trois fois candidat malheureux à la présidence (1997, 2007, 2013), avait fait pression pour obtenir une réforme de la Commission électorale avant la tenue de ce nouveau scrutin. Mais l'opposition a jugé insuffisants les changements récemment mis en oeuvre et appelé au boycott de la nouvelle élection.

Plongé dans l'incertitude, le Kenya a aussi connu ces derniers jours des violences meurtrières: au moins neuf personnes ont été tuées par balle depuis jeudi dans les places fortes de l'opposition, les bidonvilles de la capitale Nairobi et l'ouest du pays.

Et au moins 49 sont mortes (et des dizaines blessées) depuis l'élection du 8 août, pour la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police (recours aux tirs à balle réelle, gaz lacrymogène, canons à eau).

M. Odinga, a annoncé la semaine dernière le lancement d'une campagne de "désobéissance civile", dont il doit encore préciser les modalités, afin de contraindre le pouvoir en place à accepter l'organisation d'une nouvelle élection dans les 90 jours.

Mais le vice-président, William Ruto, a une nouvelle fois rejeté toute idée d'organiser un nouveau scrutin. "Il n'y aura pas d'élection dans 90 jours, il n'y aura pas de discussion sur des questions relatives aux élections", a-t-il martelé dimanche.

La crise actuelle et ses violences ont ravivé dans le pays les douloureux souvenirs de 2007/2008, lorsque la présidentielle avait débouché sur les pires violences politico-ethniques de l'histoire du Kenya indépendant (1963), faisant plus de 1.100 victimes et 600.000 déplacés.

Avec AFP