La crise au Liban au menu de la rencontre entre Hariri et Macron

Conférence de presse du Premier ministre libanais Saad Hariri au palais présidentiel à Baabda, à l'est de Beyrouth, Liban, 3 novembre 2016.

Le Premier ministre libanais démissionnaire Saad Hariri est attendu à Paris où il doit être reçu samedi par le président Emmanuel Macron, mais la crise reste entière deux semaines après sa démission choc et des accusations de "captivité" en Arabie saoudite.

Ancienne puissance mandataire du Liban, la France a joué les médiateurs et M. Macron a invité à Paris M. Hariri et sa famille "pour quelques jours", afin de sortir de l'impasse née de sa démission surprise annoncée le 4 novembre à Ryad. Une invitation acceptée par M. Hariri avec l'accord du parrain saoudien.

Dans un tweet vendredi soir, M. Hariri a affirmé que son séjour en Arabie saoudite visait "à mener des consultations concernant l'avenir du Liban et ses relations avec ses voisins arabes". "Tout ce qui se dit (...) sur mon séjour (...) n'est que rumeurs", a-t-il ajouté alors que le président libanais Michel Aoun a dit considérer que son Premier ministre était en "captivité" à Ryad.

Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian avait rencontré jeudi M. Hariri à Ryad, où le chef de la diplomatie saoudienne Adel al-Jubeir avait assuré qu'il était libre de partir "quand il veut".

Détenteur de la nationalité saoudienne, M. Hariri, 47 ans, possède une résidence à Ryad où sa famille est installée. Ce protégé de l'Arabie saoudite a repris le flambeau politique à la mort de son père, Rafic Hariri, un ancien Premier ministre tué dans un attentat à Beyrouth en 2005 pour lequel cinq membres du Hezbollah libanais sont accusés.

Dans une déclaration télévisée depuis Ryad le 4 novembre, M. Hariri a annoncé sa démission en invoquant la "mainmise" du Hezbollah libanais --membre du gouvernement et soutenu par l'Iran-- sur la vie politique au Liban et des craintes pour sa vie, au moment où Ryad fulminait contre les ingérences prêtées au rival iranien dans la région.

Risque d'escalade ?

Pour plusieurs médias libanais, si M. Hariri devait confirmer sa démission, la crise s'aggraverait au Liban.

"La question de la sécurité de M. Hariri est sur le point d'être réglée, c'est la question de politique de fond qui devrait désormais prendre la vedette", écrit le quotidien L'Orient Le Jour.

"La peur que la crise s'aggrave est toujours là", renchérit le journal An Nahar.

M. Aoun attend le retour de M. Hariri au Liban pour se prononcer sur sa démission.

M. Hariri, qui doit arriver à Paris vendredi soir en provenance de Ryad, "a vocation, je crois, à se rendre dans son pays dans les jours ou les semaines à venir", a affirmé M. Macron devant la presse à la fin du sommet européen social de Göteborg.

"Je l'accueille demain avec les honneurs dus à un Premier ministre, certes démissionnaire, mais dont la démission n'est pas reconnue dans son pays encore puisqu'il ne s'y est pas rendu", a-t-il expliqué.

Parmi les conséquences d'une crise prolongée au Liban figure le risque d'un nouvel afflux de réfugiés en Europe, a mis en garde jeudi le ministre libanais des Affaires étrangères Gebrane Bassil.

"La déstabilisation du Liban aurait des conséquences sur les déplacés et réfugiés présents au Liban qui seraient alors dans une situation encore plus fragile et se tourneraient vers l'Europe", a-t-il averti à Berlin.

L'Iran critique la France

Proche de M. Aoun, M. Bassil a prévenu aussi qu'en cas d'ingérence étrangère, son pays risquait de connaître le même sort que la Syrie voisine, ravagée par une guerre civile complexe où l'implication militaire du Hezbollah auprès du régime divise le Liban.

Vendredi à Moscou, M. Bassil a accusé certaines parties qu'il n'a pas nommées de chercher à "déloger le chef de l'Etat libanais", élu avec le soutien actif du Hezbollah.

Son homologue russe Sergueï Lavrov a plaidé pour une solution "sans intervention extérieure et par le dialogue".

Jeudi, le chef de la diplomatie saoudienne s'en est violemment pris au Hezbollah. "C'est une organisation terroriste de première catégorie", a-t-il soutenu, en l'accusant d'avoir "pris en otage l'Etat au Liban et d'être devenu un instrument aux mains" de l'Iran.

A ses côtés, M. Le Drian a déclaré que la France était "inquiète" de la "tentation hégémonique" de l'Iran au Moyen-Orient, s'attirant les foudres de Téhéran.

"Malheureusement, il semble que la France a un regard partial et partisan sur les crises de la région et cette approche, volontairement ou involontairement, aide même à transformer des crises potentielles en crises réelles", ont dit les Affaires étrangères iraniennes.

Le président Macron a lui affirmé que "le rôle de la France est de parler à tout le monde", soulignant sa volonté de "dialoguer" avec l'Iran.

Avec AFP