Les recherches menées dans une vingtaine de villages du Cameroun sont sans équivoque: l’identité des peuples autochtones est en voie de disparition notamment dans les régions du Sud et de l’Est.
Les résultats d’une recherche réalisée sur la question par la société civile ont été présentés à Yaoundé, à la veille de la Journée internationale des peuples autochtones.
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Les plaintes des peuples autochtones
Les Baka, Bagyéli, Bakola et Bedzang des peuples autochtones des régions de l’Est et du Sud sont concernés par cette situation. Ils sont marginalisés et leurs droits ne sont pas respectés, selon les résultats de l’étude menée par le Réseau Recherche Actions Concertées Pygmées (Racopy) et la Community and Forest Platform (CFP).
"Lorsqu’il y a un litige opposant un autochtone à un bantou, le litige est géré à la chefferie bantou et ça pose un problème parce que le droit coutumier qui est appliqué à ce moment-là est selon la coutume bantou", relate Romuald Ngono, coordonnateur de la recherche.
Les peuples autochtones ont dénoncé cette situation aux chercheurs qui ont sillonné neufs villages dans la région de l’Est et quatorze dans celle du Sud, en vue de collecter les données sur "la langue autochtone et le développement au Cameroun".
"Et même lorsqu’il y’a un litige entre Baka, un seul et même peuple autochtone, c’est encore la coutume bantou qui est appliquée et le litige est tranché en langue bantou. Or du point de vue éthique, on ne peut pas juger quelqu’un avec la langue qu’il ne parle pas", renchérit Romuald Ngono.
Lire aussi : Problèmes dans le règlement des conflits agro-pastoraux au CamerounL’accès à l’éducation est aussi l’un des griefs soulevés par les peuples autochtones du Cameroun. Ceux-ci veulent par exemple l’introduction de leurs langues dans le système éducatif des enseignements spécifiques.
Lors de la présentation des résultats de la recherche, le sexagénaire Jean Ndoutoumou issu du peuple autochtone Baka, et conseiller municipal dans la commune de Mintom dans la région du Sud, a suggéré la méthode ORA (observation, réflexion, action) pour relever le niveau d’éducation des enfants de peuples autochtones.
Avec cette méthode, explique-t-il, "on commence la leçon en langue maternelle. Je tiens la bouteille devant les élèves, je demande aux élèves comment s’appelle cet objet d’abord en langue baka. Quand ces élèves quitteront le centre préscolaire pour l’école primaire, ils seront brillants parce qu’ils auront appris en deux langues, le baka et le français".
Certes, de telles méthodes d’apprentissage existent au Cameroun, mais elles ne sont pas généralisées dans toutes les écoles que fréquentent les peuples autochtones.
Autochtones mais sans terre
Ces derniers se plaignent également des conséquences de leur délocalisation suite aux grands projets de développement.
"On a demandé que les populations autochtones sortent de la brousse pour venir rester en ville. Les terres de ces villages ne nous appartiennent pas. Pour obtenir la terre, on est obligé de s’adapter et de parler la langue des populations d’accueil", déplore Jeanne Biloa, présidente de l’association Bakola, l’un des peuples autochtones dans le sud du Cameroun.
Lire aussi : Formation sur les litiges fonciers au CamerounUne dizaine de structures gouvernementales ont assisté à la séance de restitution de la recherche, parmi lesquelles, le ministère de la Promotion de la femme et de la famille, un département qui lutte contre les mariages forcés, phénomène dont sont victimes les jeunes filles des peuples autochtones.
"Il faut que les jeunes filles de ces localités accèdent à l’éducation, même informelle. A cet effet, des centres de promotion de la femme et de la famille existent dans les régions de l’Est et du Sud et doivent pouvoir accueillir les jeunes filles", confie à VOA Afrique Chantal Handjou, conseillère technique au ministère de la Promotion de la femme et de la famille
Les Nations Unies ont déclaré l’année 2019 "Année internationale des langues autochtones".
Selon les experts, 95% des langues autochtones pourraient disparaître ou être en péril d’ici 2050, notamment du fait de l’éviction des peuples autochtones de leurs terres d’origine.