Les habitants du territoire de Rutshuru se sont enfuis par dizaines de milliers depuis fin octobre vers la sécurité relative de la capitale provinciale du Nord-Kivu, fuyant l'avancée des rebelles du M23.
Les plus vulnérables se sont installés au bord de la route, dans de sommaires huttes de branches couvertes de bâches, sur les champs de lave durcie au pied du volcan Nyiragongo.
Malgré l'intervention d'organisations humanitaires, tous les déplacés interrogés par l'AFP se plaignent de la faim. Plusieurs rapportent qu'ils doivent se battre pour obtenir de la nourriture. Et le choléra, conséquence du manque d'hygiène, a fait son apparition.
"Je ne sais pas où trouver à manger", se lamente Suzanne Niramivumbi Kavakura, petite femme de 90 ans, foulard sur la tête, enroulée dans son châle coloré.
Assise devant son abri, elle raconte comment elle a fui il y a six semaines sa région natale de Rugari, à une vingtaine de km au nord, tandis que les combats approchaient. Ses petits-enfants l'ont trouvée sur la route et ils ont fui ensemble vers Kanyaruchinya, région de collines surplombant Goma, maintenant bondée de déplacés et de rangs serrés de tentes.
Leur nombre précis est difficile à connaître, mais plus de 140.000 personnes campent ainsi dans le territoire de Nyiragongo, ou dorment dans des églises et des écoles, selon des chiffres à fin novembre de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Pélagie Ngayabaseka, 54 ans, qui porte au dos un de ses petits-enfants, dit elle aussi que les vivres manquent.
"On distribue les rations dans un gobelet et les gens se battent pour en avoir. Si t'as pas la force de te battre, tu n'auras rien", assure-t-elle, pendant que des dizaines de jeunes enfants se pressent autour d'elle.
"Dimensions exponentielles"
Le M23, un mouvement rebelle majoritairement tutsi vaincu en 2013, a repris les armes en fin d'année dernière.
En juin, il a pris Bunagana, à la frontière ougandaise, puis, après une accalmie, est reparti à l'offensive en octobre, s'emparant de larges pans de territoire au nord de Goma et provoquant la fuite de milliers de personnes.
Avec cette offensive, "on a une ampleur qui a complètement changé" en termes de crise humanitaire, constate Anne-Sylvie Linder, responsable pour le Nord-Kivu du Comité international de la Croix-rouge (CICR).
Difficile de faire face à de tels mouvements de populations. Au 28 novembre, les combats avaient provoqué le déplacement de quelque 370.000 personnes dans la province, comparé à environ 90.000 fin octobre.
Parmi tous les problèmes, l'eau potable manque à Kanyaruchinya et le sol de lave empêche de creuser des latrines.
La plupart des déplacés dorment sur une simple couverture posée sur les pierres. Les abondantes pluies saisonnières rendent la vie encore plus misérable.
Lundi, 21 cas confirmés de choléra avaient été enregistrés, selon un responsable humanitaire qui a requis l'anonymat.
"Cela a triplé chaque semaine depuis trois semaines", selon Marie-Pierre Poirier, directrice régionale de l'Unicef pour l'Afrique de l'ouest et du centre, en déplacement lundi à Kanyaruchinya.
Le nombre croissant de déplacés est un problème aux "dimensions exponentielles", met-elle en garde.
"Rentrer à la maison"
Selon Théo Musekura, 48 ans, président d'un comité de déplacés de Kanyaruchinya, environ 50 personnes sont mortes de maladies telles que le choléra, le paludisme et la diarrhée. Un hôpital local apporte des mesures de protection, mais "il y a trop de monde", dit-il.
Quelque 80% de ces déplacés sont des Hutu congolais du territoire de Rutshuru, estime Théo Musekura. "Ils ont fui parce que quand les rebelles du M23 arrivent, ils tuent les gens", affirme-t-il.
Le danger n'est pas loin. Kanyaruchinya se trouve à quelques kilomètres de la ligne de front. Elle est calme ces derniers temps, armée et rebelles campant sur leurs positions.
Debout sous la bruine au bord de la route à Kibati - juste au nord de Kanyaruchinya, à environ 10 km du front - Adela Mufasano, 54 ans, pense tout simplement qu'elle et ses enfants doivent rentrer à la maison. "Les enfants dorment sur la roche. Quand il pleut, c'est la catastrophe", dit-elle.
André Bahati Musarumu, qui regarde des hommes jouer aux cartes devant une tente à Kanyaruchinya, veut lui aussi que tout cela s'arrête.
"Nous voulons rentrer chez nous", demande cet homme de 60 ans, qui a fui avec huit enfants. "Le gouvernement doit choisir, entre la négociation et la guerre".