Les Béninoises se battent contre la tradition pour un accès équitable à la terre

Fin d'une semaine de sensibilisation sur la gouvernance foncière inclusive en milieu rurale, à Cotonou, Bénin, le 31 juillet 2020. (VOA/Ginette Fleure Adandé)

Au Bénin un partenariat de la société civile tente de réparer les injustices faites aux femmes en matière de droit foncier.

Depuis plus de cinq ans, la fondation Konrad Adenaeur et Wildaf Bénin se battent pour que le droit à la terre soit une réalité chez toutes les femmes béninoises.

A l'heure de la capitalisation des acquis du projet "un seul monde sans faim pour le droit des femmes à la terre" , "le bilan n'est pas autant glorieux mais un grand pas a été franchi", selon Habib Bouraîma, acteur de la société civile.

"De 15% avec l'étude de Wildaf, nous sommes arrivés à 27,12% de femmes qui ont accès à la terre en héritage contre 72,28% chez les hommes. On a également constaté que les femmes achètent trois fois moins de terre que les hommes. Il y a cette dichotomie des chiffres qui fait que la femme est toujours en marge de ce droit pourtant légitime", souligne-t-il.

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Les barrières qui empêchent les femmes de bénéficier pleinement du droit au foncier ont pour nom tradition ou discrimination dans certaines régions du Bénin.

"Dans le droit coutumier, les femmes n'avaient pas droit à la terre.C'est cela qui écarte les femmes de l'héritage foncier dans nos localités", explique le sociologue Firmin Cakpo. "Les raisons avancées sont liées au fait que la femme est appelée à aller dans une autre famille par le mariage. Elle ne peut donc pas disposer des biens de sa famille pour l'offrir à son époux. La femme a le droit de travailler la terre mais pas d'en hériter", précise-t-il.

"La loi sur le foncier existe et a besoin d'être renforcée, vulgarisée", pense Elke Erlecke, une des membre de la fondation Konrad Adenauer. C'est en cela que les acteurs politiques sont indispensables pour un combat efficace.

"Nous pensons toujours qu'il faut activer, réveiller les parlementaires, comme ils sont là pour le salut des peuples. A la fin de tout, c'est toujours les lois qu'il faut adapter aux besoins du moment", ajoute-t-il.

Aujourd'hui, même avec la loi, "la famille arrive à s'imposer et peut soustraire une femme du droit à l'héritage" surtout lorsque celle ci devient veuve, se désole Blandine Sintondji, membre de l'Association des femmes juristes du Bénin. "Nous recevons des femmes qui viennent se plaindre du fait qu'à la mort de leur époux, on leur a tout pris. On ramasse jusqu'aux jouets des enfants", s'indigne la juriste.

Dans les tribunaux, il n'y a pas de jour où les juges ne sont pas appelés à se pencher sur des cas de litiges successoraux.

"Les cas qui font légion sont liés à des parcelles arrachées aux femmes même si elles les ont achetées à la sueur de leur front", explique Maitre Antoine Koffi, magistrat.

"On a vu dans certains dossiers où la femme, avant d'acquérir un bien, en informe son époux, afin que le jour de la signature de la convention de vente, il soit un témoin, mais on ne sait pas par quelle magie, le mari devient acquéreur et la femme témoin. Et souvent les contestations conduisent à comprendre que c'est en réalité la femme qui a réuni les fonds", explique-t-il.

Malgré les obstacles, la fondation Konrad Adenauer, soutenue par de nombreuses associations de défense des droits de la femme, ne compte pas baisser les bras.

Elles se donnent comme mission de travailler à faire accepter à tous, même aux gardiens de la tradition, la nécessité de respecter le droit des femmes béninoises au foncier.

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