Ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest de 1,8 million d'habitants, est coutumier des coups d'Etat. Et il était entré dans une nouvelle zone de turbulences lors du limogeage en août 2015, par le président José Mario Vaz, de son Premier ministre Domingos Simoes Pereira, chef du PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert).
Depuis, la valse des Premiers ministres n'a pas cessé. Même après le bon déroulement de législatives en mars dernier, remportées par le PAIGC.
C'est M. Pereira, 56 ans, qui était arrivé en tête du premier tour de la présidentielle le 24 novembre, avec 40,1% des suffrages.
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Il avait devancé un autre ancien Premier ministre, Umaro Sissoco Embalo, 47 ans, qui a remporté 27,7% des voix au nom du Madem, une dissidence du PAIGC.
M. Embalo compte combler son retard grâce au soutien des principaux candidats éliminés au premier tour, dont le président sortant, José Mario Vaz, arrivé seulement quatrième (12,4%), l'opposant Nuno Gomes Nabiam (troisième avec plus de 13%) et l'ancien Premier ministre Carlos Domingos Gomes (2%).
"Umaro Sissoco Embalo a réussi à réunir derrière lui tous les poids lourds du pays", relève l'analyste politique Agusto Nhaga.
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Débat télévisé tendu
Les deux hommes se sont affrontés jeudi soir lors d'un débat télévisé, tendu par moments, durant deux heures.
"L'argent que vous amenez dans le pays ne passe pas par la voie légale", a lancé M. Pereira, accusant son rival d'être financé par l'étranger. Il s'est défendu quant à lui de toute pratique illégale.
"Vous avez puisé dans les caisses de l'Etat pour financer votre campagne", a répliqué son adversaire Embalo, qui a assimilé à "une catastrophe" la gestion du PAIGC, au pouvoir.
Depuis deux semaines, la capitale Bissau vibre au son de bruyants cortèges décorés à l'effigie des deux finalistes. "C'est un véritable carnaval de démocratie, jamais vu ailleurs", s'étonnait un observateur électoral africain.
Bémol dans ce tableau, la présence très visible de l'Ecomib, la force régionale déployée à Bissau, qui rappelle que l'ancienne colonie portugaise a connu depuis son indépendance en 1974 quatre coups d'Etat et 16 tentatives de putsch.
"Je ne fais pas confiance aux déclarations mielleuses des politiciens", confie à l'AFP Roberto Fo Indi, un menuisier dont le père, "vétéran de la guerre d'indépendance", est "mort dans la misère".
Suleimane Camara, un enseignant qui n'a pas vu son salaire depuis six mois, ne "votera jamais" pour le PAIGC, "incapable de répondre aux besoins de base de la population".
Joana Imbana, vendeuse de fruits, estime au contraire qu'une victoire de Domingos Simoes Pereira "sera un départ pour le développement" d'un pays où les deux tiers de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Chapeau ou keffieh ?
M. Pereira est un ingénieur en génie civil qui a pris la tête du PAIGC en 2014. Après avoir été le Premier ministre de José Mario Vaz, cet homme souriant, invariablement coiffé d'un Trilby couleur paille, en est devenu l'adversaire principal.
Umaro Sissoko Embalo, un général de brigade de réserve, ancien du PAIGC, se pose en rassembleur. Il a fait campagne avec un keffieh arabe rouge et blanc noué autour de la tête, rappelant qu'il est un "musulman marié à une chrétienne".
Les électeurs et la communauté internationale espèrent une clarification du paysage politique alors que les branches du pouvoir - présidence et Parlement - se mettent des bâtons dans les roues depuis des années.
S'il est élu, M. Pereira pourra compter sur le soutien du gouvernement et du Parlement, dominés par le PAIGC.
A contrario, un succès de M. Embalo, qui siège dans l'opposition, risque de prolonger l'instabilité, à moins qu'une recomposition des alliances ne lui permette de constituer une nouvelle majorité à l'Assemblée.
Outre la lutte contre la pauvreté, le nouveau président devra s'attaquer à la corruption et au problème de la drogue, dans un pays devenu une plate-forme du trafic de la cocaïne d'Amérique du Sud.