La Cour suprême du Malawi confirme l'annulation de la réélection du président Mutharika

Arthur Peter Mutharika dans son village natal Goliathi, dans le sud du Malawi le 21 mai 2019.

La justice du Malawi a confirmé vendredi l'annulation pour fraudes caractérisées de la réélection en 2019 du président Peter Mutharika, ouvrant ainsi définitivement la voie à l'organisation d'un nouveau scrutin le 2 juillet. 

Dans un arrêt très attendu rendu à l'unanimité, le juge de la Cour suprême d'appel de Lilongwe Frank Kapanda a annoncé le rejet de l'appel formé par M. Mutharika et la Commission électorale locale (MEC) contre l'annulation du scrutin de 2019.

"Nous avons entendu les requêtes des deux parties, et nous rejetons les deux appels", a-t-il lu à l'audience.

Au pouvoir depuis 2014, M. Mutharika, 79 ans, a été réélu en mai 2019 pour un second mandat dès le premier tour de scrutin. Il a été crédité par la Commission électorale locale (MEC) de 38,5% des suffrages, contre 35,4% au chef de l'opposition Lazarus Chakwera.

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Mais, saisie par l'opposition, la Cour constitutionnelle a annulé en février 2020 la victoire du sortant pour cause de fraudes caractérisées, une décision historique dans les anales politiques du petit pays d'Afrique australe.

Le chef de l'Etat sortant et la MEC avaient alors fait appel de ce jugement, niant toute fraude.

Entre autres "irrégularités généralisées et systématiques", la Cour constitutionnelle avait notamment relevé le nombre anormalement élevé de procès-verbaux de résultats recouverts de blanc à corriger.

"L'utilisation de Tippex et l'altération des résultats (du scrutin) était illégale et a constitué une irrégularité grossière", ont confirmé vendredi les juges de la Cour suprême d'appel dans leur jugement.

Les magistrats ont également vivement brocardé les appels à leurs yeux "fictifs, non professionnels, irrespectueux et répugnants" formés par le président et la MEC.

Arrivé troisième du scrutin de 2019 en réunissant 20,2% des suffrages, le vice-président Saulos Chilima, en rupture de ban avec le président Peter Mutharika, a aussitôt salué leur décision.

"La démocratie a gagné", s'est réjoui M. Chilima devant la presse, "le peuple du Malawi a gagné, les générations futures ont gagné".

- Candidatures -

Le porte-parole du président sortant s'est refusé à tout commentaire immédiat.

La décision rendue vendredi dégage de ses derniers obstacles juridiques la route qui mène vers le scrutin d'ores et déjà programmé le 2 juillet prochain par la Cour constitutionnelle malawite.

Dans son arrêt, la Cour suprême d'appel a également confirmé vendredi que la majorité absolue serait désormais nécessaire pour l'emporter, ainsi que le recommandaient les magistrats constitutionnels.

Jusque-là, le président était élu à la majorité relative.

Avant même qu'elle soit rendue publique, Peter Mutharika et Lazarus Chawkera ont déposé mercredi et jeudi leurs candidatures pour le nouveau scrutin.

Lors de son intervention devant la MEC jeudi, le président sortant a une nouvelle fois démenti avoir volé sa victoire.

"Nous avons remporté ce scrutin. Les résultats de ces élections ont été le fruit de la volonté du peuple", a martelé M. Mutharika, "je demande à tous les Malawites de venir voter lors de ce (nouveau) scrutin pour exprimer la volonté du peuple".

Désormais allié à M. Chilima, M. Chakwera a pour sa part appelé au changement. "Lors de ces vingt-six dernières années, le Malawi a été pillé et ses citoyens plongés dans la pauvreté", a-t-il déploré, "mais Dieu nous a donné une autre chance de choisir le changement, c'est notre destin".

L'élection présidentielle a été maintenue au 2 juillet prochain malgré la pandémie de coronavirus.

Selon le dernier bilan publié par les autorités, 38 cas de Covid-19 ont été officiellement recensés dans le pays, dont deux mortels.

Le Malawi est considéré comme l'un des pays les plus démunis de la planète. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié de ses 17 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté.

La campagne électorale en cours a été émaillé ces derniers jours de violences. Trois partisans de M. Chilima ont été tués lors d'une attaque à la bombe incendiaire lancée dans la nuit de mardi à mercredi contre des locaux de son parti dans la capitale Lilongwe.