La justice égyptienne annule la rétrocession de deux îles à Ryad

Des barricades de police érigées à Alexandrie, en Egypte, 25 avril 2016. epa/ MAHMOUD TAHA ÉGYPTE OUT

Le conseil d'Etat égyptien, la plus haute juridiction administrative, a annulé mardi la rétrocession à l'Arabie saoudite de deux îles de la Mer rouge, contestant une décision controversée des autorités de céder à Ryad ces "territoires égyptiens".

Le gouvernement peut encore faire appel de cette décision administrative. La rétrocession des deux îlots inhabités de Tiran et Sanafir, annoncée à l'occasion d'une visite au Caire en avril du roi Salmane d'Arabie saoudite, avait suscité un tollé sur les réseaux sociaux et des manifestations contre le régime du président Abdel Fattah al-Sissi.

L'Arabie saoudite est l'un des principaux soutien du régime de Sissi, qui réprime toute opposition depuis qu'il a destitué en 2013 son prédécesseur islamiste démocratiquement élu Mohamed Morsi, et Ryad a injecté des milliards de dollars en aides et en investissement dans une économie égyptienne en lambeaux.

Les détracteurs de l'accord accusaient les autorités du Caire d'avoir cédé les deux îles en échange de ce soutien, soutenant que ces territoires appartenaient à l'Egypte.

Face à ces accusations, le gouvernement égyptien avait martelé à maintes reprises que ces îles appartenaient bien à Ryad, mais que l'Arabie saoudite avait demandé en 1950 au Caire d'en assurer la protection.

L'arrêt du conseil d'Etat "annule la signature du représentant du gouvernement égyptien" concernant un accord de démarcation des frontières maritimes conclu début avril par les deux pays alliés lors de la visite au Caire du roi Salmane, a indiqué à l'AFP un magistrat de cette institution.

L'accord prévoyait la rétrocession à l'Arabie saoudite de Tiran et de Sanafir, situés stratégiquement à l'entrée du golfe d'Aqaba.

Ilots "égyptiens"

S'exprimant sous le couvert de l'anonymat en raison de la sensibilité du sujet, le magistrat a affirmé que cet arrêt signifiait que les deux îles sont "égyptiennes".

Cette décision "signifie que les deux territoires sont égyptiens (...) et ne peuvent être cédés", a indiqué à l'AFP l'avocat Khaled Ali, qui avait porté plainte devant la justice égyptienne pour protester contre l'accord de rétrocession.

M. Ali, une figure de l'opposition de gauche, a partagé sur sa page Facebook le verdict qui explique que "les deux îles font partie du territoire égyptien et doivent rester sous la souveraineté de l'Egypte".

L'annonce de la rétrocession des deux îles avait déclenché des manifestations qui ont été immédiatement réprimées par les autorités. Il s'agissait toutefois du plus grand mouvement de contestation du pouvoir depuis deux ans.

Des centaines de personnes avaient été arrêtées et des dizaines condamnées à des peines de prison. Plusieurs opposants ont été interpellés pour "diffusion de fausses informations", alors qu'ils s'étaient publiquement exprimés contre la rétrocession.

Une cour d'appel égyptienne avait annulé en mai les peines de 47 personnes condamnées à 5 ans de prison pour avoir participé à ces manifestations non autorisées contre le pouvoir, maintenant toutefois une lourde amende de 10.000 euros.

En 2013, plus de 1.400 manifestants réclamant le retour de M. Morsi avaient été tués. Des dizaines de milliers de personnes ont été emprisonnées depuis, selon des ONG, et des centaines, dont M. Morsi, condamnées à mort dans des procès de masse expéditifs.

Avec AFP