"Le juge Pablo Llarena a refusé d'accorder le permis (de sortie) sollicité" par Jordi Sanchez, annonce la Cour dans un communiqué.
Jordi Sanchez, ancien président de l'association indépendantiste Assemblée nationale catalane (ANC) placé en détention provisoire pour son rôle dans la tentative avortée de sécession d'octobre, s'était déjà porté candidat à la présidence en mars, et la Cour suprême avait refusé de le libérer.
Élu député lors des élections régionales du 21 décembre, M. Sanchez a dans l'intervalle saisi le Comité des droits de l'homme des Nations unies en se plaignant d'une violation de ses droits politiques.
Dans l'attente d'un examen approfondi, le comité a demandé le 23 mars à l'Espagne de s'assurer du "respect de ses droits politiques", sans préciser comment.
Le juge Pablo Llarena a expliqué pour motiver sa décision qu'il disposait d'éléments en vertu desquels "l'éventuel mandat" de M. Sanchez en tant que président catalan pourrait "s'orienter dans le sens d'une rupture de l'ordre constitutionnel".
Il a estimé que le respect de cet ordre constitutionnel primait sur les droits politiques individuels de M. Sanchez.
Roger Torrent, président indépendantiste du parlement catalan, avait appelé, quelques heures avant, la justice à "tenir compte du droit international" en libérant Jordi Sanchez.
M. Torrent n'a pas voulu préciser quelle serait sa position en cas de nouveau refus. Mais dans la soirée, il a annoncé via Twitter qu'il repoussait sine die la session.
S'il maintenait la séance d'investiture "à distance", ce que le juge a expressément interdit, il risquerait à son tour des poursuites.
Cette session était censée se tenir deux jours avant une grande manifestation prévue dimanche à Barcelone ayant pour but de marquer les six mois de détention de Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, dirigeant d'une autre association indépendantiste.
- Doutes -
En Espagne, les doutes vont crescendo sur la stratégie de l'État face aux séparatistes catalans, et de plus en plus de voix s'élèvent pour un dialogue et contre l'incarcération de neuf dirigeants indépendantistes, dont "les Jordis".
Les deux principaux syndicats nationaux ont d'ailleurs annoncé leur participation à la manifestation de dimanche.
A l'étranger, les doutes d'un tribunal allemand sur les poursuites pour "rébellion" visant l'ancien président séparatiste Carles Puigdemont arrêté en mars, ont entraîné sa libération.
Le tribunal examine encore la demande d'extradition de Madrid, mais celle-ci pourrait être limitée à des délits de "malversation de fonds", beaucoup moins graves.
Le dossier sera aussi examiné par la justice de Belgique -où vivent trois anciens "ministres" indépendantistes eux aussi réclamés par Madrid- mais aussi de la Suisse et de l'Écosse, où sont aussi installés des séparatistes en fuite.
Madrid s'est lancé dans une campagne diplomatique, via ses ambassadeurs, pour tenter "d'expliquer sa position" à l'étranger, selon une source gouvernementale.
Une réunion entre magistrats espagnols et allemands à La Haye (Pays-Bas) est en outre prévue pour tenter d'affiner la stratégie sur le dossier Puigdemont, selon des sources judiciaires.
- Tutelle -
La Catalogne est sous tutelle du gouvernement central depuis la tentative d'indépendance et doit se doter d'un gouvernement pour récupérer son autonomie.
Mais les indépendantistes, qui ont obtenu la majorité des sièges au parlement catalan lors d'élections régionales organisées le 21 décembre, n'ont pas réussi depuis à investir un président, le noyau dur des dirigeants séparatistes se trouvant en fuite à l'étranger ou en prison.
Un dialogue de sourds s'est installé entre le gouvernement espagnol qui réclame un candidat "viable" sans ennuis judiciaires, et les séparatistes qui veulent élire un candidat "légitime".
L'ex-président Carles Puigdemont, poursuivi en Espagne et installé à l'étranger, a renoncé à sa candidature. Puis l'ex-porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull n'a pas réussi à se faire élire avant d'être à son tour incarcéré, ce qui a empêché la tenue d'un second tour où il aurait pu être élu.
Si les indépendantistes ne sont pas parvenus à faire investir un candidat le 22 mai, de nouvelles élections régionales devront être organisées.
Avec AFP