"Les femmes soudanaises ont toujours participé aux révolutions dans ce pays", explique Alaa Salah, après qu'une vidéo d'elle chantant et appelant à lutter contre le pouvoir du président Omar el-Béchir, devant le siège de l'armée à Khartoum, soit devenue virale sur internet.
Vêtue et voilée de blanc, ses boucles d'oreilles dorées reflétant les lumières de la marée de smartphones autour d'elle, Alaa Salah est devenue en quelques jours sur les réseaux sociaux l'une des icônes de la contestation au Soudan.
Sa silhouette et sa tenue lui ont valu d'être surnommée "Kandaka", ou "la reine nubienne", en référence aux souveraines ayant marqué l'histoire de la région dans l'Antiquité.
Selon cette étudiante en architecture et ingénierie à l'Université internationale du Soudan à Khartoum, l'histoire de son pays est marquée par celle de reines influentes. "Cela fait partie de notre héritage", dit-elle.
Sa récente notoriété l'a poussée à créer son compte Twitter sur lequel elle a écrit être "montée sur la voiture pour parler au peuple, condamner la discrimination et le tribalisme sous toutes leurs formes".
"Je voulais parler au nom de la jeunesse", précise-t-elle dans un tweet. "Le combat pour un Soudan démocratique et prospère continue".
Depuis samedi, des manifestants campent devant le QG de l'armée à Khartoum pour demander aux militaires de les soutenir dans l'opposition au président Béchir, qui dirige le pays depuis 30 ans.
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Bravant les tirs de gaz lacrymogènes, les femmes manifestent depuis le début de la contestation en décembre et étaient présentes en nombre mercredi pour le cinquième jour consécutif de rassemblements devant le QG de l'armée.
"Les femmes participent massivement à de tels mouvements, pas seulement pour se battre pour leurs droits, mais pour défendre ceux de toute la communauté (...) Il n'y a pas de différence entre les deux", selon Mme Salah. "Les femmes du Soudan ont toujours encouragé la jeunesse à se battre", dit-elle.
C'est donc tout naturellement qu'elle a rejoint les manifestants dès le 19 décembre, date à laquelle ont commencé les manifestations provoquées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. "Je suis très fière de participer à cette révolution et j'espère que nous atteindrons notre but", affirme-t-elle.
A 75 ans, M. Béchir refuse de démissionner et a décrété l'état d'urgence le 22 février. Selon un bilan officiel, 49 personnes ont été tuées depuis le début de la contestation. Des ONG ont plusieurs fois évoqué des bilans plus lourds par le passé.