La promesse de Nkurunziza de ne pas briguer un 3e mandat diversement perçue au Burundi

Le président burundais Pierre Nkurunziza à Buye,au nord du Burundi, le 17 mai 2018.

Les Burundais ont des avis partagés au sujet de la déclaration du président Pierre Nkurunziza selon laquelle il ne briguera pas un autre mandat en 2020.

L’opposition ne croit pas à cette annonce. Certains Burundais attendent de voir ce qui se passera d’ici 2020. Mais les formations politiques proches du pouvoir affirment, pour leur part, que le Burundi sera bientôt un modèle de démocratie dans la sous–région et en Afrique.

Le président Pierre Nkurunziza a annoncé jeudi qu'il ne sera pas candidat à sa succession en 2020, une surprise de taille au moment où le pays vient d'adopter une nouvelle Constitution lui permettant de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034.

Il a, également, promis de soutenir de toute son énergie et de toute son intelligence le prochain président qui sera élu.

Les sceptiques sont nombreux, mais accordent le bénéfice du doute au chef de l’Etat.

"N’y aurait-il pas une main derrière ? Je veux dire que c’est peut-être son parti qui le pousse? Donc une pression quelconque venant de son parti. Il y a bien des questions que je peux me poser mais attendons voir", s’interroge un Burundais que VOA Afrique a rencontré à Bujumbura, la capitale burundaise.

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"Même en 2015, M. Nkurunziza avait également promis dans un discours qu’il allait quitter le pouvoir. En ce qui me concerne et concerne la population burundaise, c’est du mensonge. Je pense qu’il ne va pas quitter le pouvoir. Ce n’est pas la première fois qu’il parle ainsi. En 2020, on va voir si sa parole a été tenue", rappelle pour sa part un autre un Burundais.

"Moi je pense qu’il veut d’abord découvrir les frondeurs qui veulent le pouvoir", suppute un autre.

L’opposition intérieure et celle en exil ne croient pas à la promesse inattendue du président Pierre Nkurunziza.

Pour ces opposants, le président burundais veut distraire la communauté internationale et le peuple burundais pour que, le moment venu en 2020, il revienne à sa présidence à vie ; en vertue de la nouvelle constitution qui lui permet de diriger le pays jusqu’en 2034.

Mais pour Abel Gashatsi, président de l’Union pour le progrès national (Uprona), parti proche du pouvoir, l’annonce présidentielle a pris de court les opposants.

M. Gashatsi estime que le Burundi sera un modèle de démocratie en Afrique.

"Le message du président a coupé court aux spéculations de certains politiciens qui ne faisaient que dire que le président de la république a proposé l’amendement de cette Constitution pour s’éterniser au pouvoir. Le message du président de la république est clair. Il va terminer son mandat en 2020 et il va même aider son successeur. Ça devrait inspirer d’autres présidents africains, d’autres pays de la sous-région car le Burundi d’ici peu sera un modèle démocratique en Afrique et dans la sous-région", soutient M. Gashatsi.

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Le journaliste Jean De Dieu Nsengiyumva, membre de la société civile burundaise, salue le courage du président burundais même s’il se pose de nombreuses questions.

"Est-ce qu’il a été poussé à renoncer à ce mandat ? Ça c’est la première question. La deuxième question : est-ce qu’il subit une pression de son propre parti politique, le CNDD FDD ? Est-ce qu’il se sent finalement incapable de continuer à diriger le pays ? Est-ce qu’il est fatigué ? On ne sait pas encore la raison qui a poussé le président Pierre Nkurunziza à faire cette annonce que je salue parce que ça va contribuer à coup sûr à assainir le climat politique", avance M. Gashatsi.

Julien Nimubona, politologue, enseigne à l’université du Burundi. Il analyse le discours du président Pierre Nkurunziza en trois étapes.

"La première étape de l’analyse est de le considérer en rapport avec la fin de ses mandats ; c’est la croyance en la parole du chef de l’état. Le respect de la parole donnée. Il veut apparaitre comme un homme d’état, un homme de Dieu, qu’on accorde du crédit à ce discours. La deuxième étape, c’est de tenir en compte qu’il est un homme d’Etat, un homme de pouvoir qui est pris dans des contradictions internes avec sa famille politique. Enfin, il y a les pressions de l’environnement. L’asphyxie économique dans laquelle nous vivons qui a un impact sur la légitimité interne. Toutes ces contradictions-là, internes au parti, internes au niveau national ; tout cela, ce sont des poids qui peuvent peser énormément sur un chef de l’Etat qui peut alors décider d’être la solution et non le problème", indique M. Nimubona.

Le président burundais avait souligné jeudi que dans la tradition burundaise, un homme se retourne dans son lit mais ne se retourne pas dans sa parole.