La nouvelle vie d'Hillary Clinton après l'élection présidentielle

Souvent attaquée par le président Trump sur la disparition de ses emails, Hillary Clinton a disparu de la sphère médiatique après sa défaite le 8 novembre 2016. Elle revient peu à peu sur le devant de la scène mais la politique semble derrière elle.

Deux semaines après les résultats de l'élection américaine, une mère de famille qui se promenait dans les bois avec sa fille a eu la grande surprise de croiser Hillary Clinton.

Margot Gerster explique à la presse qu'elle avait le coeur brisée après l'élection, et que de voir Hillary Clinton dans les bois lui avait redonner de l'espoir.

Collusion entre Russes et Américains contre elle

Après sa défaite lors de l'élection présidentielle, Hillary Clinton s'est effacé de la scène politique, ponctuant son silence avec une déclaration ou la sortie de son livre "What happened".

En juin dernier, l'ancien candidate démocrate était allée plus loin qu'auparavant dans l'interprétation de sa défaite contre Donald Trump en affirmant que les Russes s'étaient probablement coordonnés dans leurs attaques informatiques avec des Américains, voire avec l'équipe du président républicain.

"Les Russes, à mon avis (...) n'auraient pas su comment transformer ces informations en armes sans l'aide d'Américains", a-t-elle déclaré, se référant aux fausses informations diffusées sur internet, aux robots Twitter et aux messages piratés. En particulier, a-t-elle dit, "des gens qui avaient des données de sondages".

Qui, selon elle, guidait les Russes? "Nous obtenons de plus en plus d'informations sur les contacts entre des responsables de la campagne Trump et des proches de Trump avec les Russes avant, pendant et après l'élection", a-t-elle répondu.

Vous penchez pour Trump? l'a relancé la journaliste. "Oui. Oui, je penche pour Trump. Il est difficile de ne pas le faire".

Selon la démocrate, qui a exclu de se représenter, le meilleur exemple de cette coordination a eu lieu un mois avant l'élection, quand des messages piratés de la boîte Gmail du président de son équipe de campagne John Podesta ont été diffusés par WikiLeaks dans l'heure ayant suivi la divulgation dans la presse d'une vidéo de Donald Trump tenant des propos obscènes.

"Ils étaient forcément prêts, ils avaient un plan. Ils ont dû recevoir un feu vert, 'OK cela pourrait être la fin de la campagne Trump, diffusez-les maintenant'", a-t-elle dit, en s'en remettant à l'enquête des autorités américaines pour faire toute la lumière sur les supposées ingérences russes.

Hillary Clinton est persuadée, citant notamment l'analyse du site FiveThirtyEight.com, que c'est l'intervention du directeur du FBI, James Comey, 11 jours avant l'élection, qui a fait basculer une fraction de l'électorat dans quelques Etats-clés vers Donald Trump, suffisamment pour assurer la victoire de ce dernier. M. Comey avait soudainement rouvert l'enquête sur ses emails, avant de la refermer deux jours avant le scrutin.

Le directeur du FBI James Comey témoigne à Capitol Hill, Washington, le 7 juillet 2016.

"Il balance cela et je commence tout de suite à chuter", a-t-elle affirmé, toujours réticente à se lancer dans une véritable autocritique de sa campagne.

"J'ai gagné trois millions de voix de plus que l'autre", a-t-elle ainsi répété, bien qu'elle ait perdu l'élection en raison du mode de scrutin indirect américain.

12 septembre: la sortie de son livre

En septembre, dix mois après sa défaite, Hillary Clinton a publié un récit personnel sur sa défaite. Elle y assume sa part de responsabilité mais refuse d'absoudre les protagonistes externes, en premier lieu le FBI, la Russie et les médias américains.

L'ancienne candidate, qui a fêté en octobre ses 70 ans, ne mâche pas ses mots sur le successeur de Barack Obama: un "menteur", "sexiste", indigne et incompétent. Elle dit s'être "frappé le front" en l'entendant expliquer récemment que le problème nord-coréen n'était "pas si simple".

Elle raconte le "choc" de la soirée du 8 novembre 2016, dans sa chambre d'hôtel de New York, le sentiment d'être "vidée", la "tristesse" qui ne la quitta pas pendant des semaines.

Refusant antidépresseurs et psychanalyste, elle confie avoir trouvé refuge dans sa famille, une technique de respiration alternative enseignée par sa professeur de yoga, et le Chardonnay.

"Il n'y a pas eu une journée depuis le 8 novembre 2016 durant laquelle je ne me suis pas posé la question: pourquoi ai-je perdu ? J'ai parfois du mal à me concentrer sur autre chose", écrit celle qui s'était fait une religion, depuis un quart de siècle, de ne jamais fendre l'armure en public.

La sortie de "What Happened" ("Ça s'est passé comme ça", version française disponible depuis le 20 septembre) s'accompagne d'une tournée de promotion aux Etats-Unis et au Canada: séance de dédicaces à New York, interviews, et 15 conférences payantes jusqu'en décembre.

Dans une interview au quotidien USA Today, elle se dit persuadée que l'équipe Trump a reçu l'aide de la Russie de Vladimir Poutine. "Il y avait sûrement des contacts, et sûrement une forme d'accord", dit-elle.

Chaque interview est l'occasion pour la démocrate de répéter que l'utilisation d'un compte mail personnel comme chef de la diplomatie avait été une "erreur stupide", comme elle l'a encore dit sur la radio NPR.

Pourquoi ce récit ?

Le récit qu'Hillary Clinton fait de la cérémonie d'investiture de Donald Trump, à laquelle elle a participé en tant qu'ancienne Première dame, est tragicomique. Elle imagine le discours qu'elle aurait fait, mais raconte avoir échangé un regard de stupéfaction avec Michelle Obama, et se moque des élus républicains venus la saluer, rappelant à l'un qu'il l'avait traitée d'antéchrist.

La candidate démocrate, Hillary Clinto, accompagnée de son mari et ancien chef de l’Etat américain Bill Clinton, concède la victoire au républicain Donalad Trump (non visible sur la photo) élu 45eme président des Etats-Unis, a New York, 9 novembre 2016.

Elle éreinte son ex-rival des primaires démocrates, Bernie Sanders, lui reprochant son agressivité durant la campagne. Et répète un conseil prodigué par Barack Obama: "N'essaie pas d'être branchée, tu es grand-mère".

Elle confirme surtout l'analyse qu'elle avait ébauchée publiquement ces derniers mois, énumérant les facteurs ayant contribué à sa défaite: désir de changement, rejet de sa personne, misogynie, sentiment de désaffection économique d'une partie des classes populaires blanches.

Mais selon elle, Donald Trump a aussi exploité "l'anxiété raciale et culturelle" des Blancs. "Nombre de ces électeurs avaient peur que les gens de couleur - surtout les Noirs, les Mexicains et les musulmans - menacent leur mode de vie".

Tous ces facteurs, toutefois, n'ont pas suffi à eux seuls; jusqu'au bout, les sondages l'ont placée en tête.

Combinée aux messages internes piratés par la Russie et publiés par WikiLeaks, la réouverture de ce dossier brûlant a eu un effet dévastateur, démultiplié par l'obsession selon elle démesurée des journalistes politiques pour l'affaire.

"Leur vrai problème est qu'ils ne peuvent supporter l'idée de faire face à leur propre responsabilité dans l'élection de Trump", accuse-t-elle. Le New York Times en prend pour son grade.

Et de citer la France en exemple, où le piratage de dernière minute de l'équipe d'Emmanuel Macron n'a pas été couvert par les médias, la loi l'interdisant.

"Les électeurs français semblent aussi avoir tiré les leçons de nos erreurs en rejetant Le Pen, la candidate de droite pro-Moscou. Je me console à l'idée que notre malchance a contribué à protéger la France et d'autres démocraties. C'est déjà cela".

Que prévoit Hillary Clinton aujourd'hui ? Elle assure qu'elle ne se représentera plus.

"Mais je ne vais ni bouder, ni disparaître. Je ferai tout pour soutenir les candidats démocrates", conclut-elle. Ignorant les démocrates qui espèrent tourner, un jour, la page Clinton.

Au lendemain de sa défaite, elle avait twitté : "Pour toutes les petites filles qui regardent ... ne doutez jamais que vous êtes précieuses et puissantes et que vous méritez toutes les chances et opportunités au monde".