A Lagos (sud), la capitale économique, Abuja (centre), la capitale fédérale, et Kano (nord), la deuxième ville la plus peuplée du pays, plusieurs milliers de Nigérians ont pris les rues à l'appel de la confédération syndicale du Nigeria Labour Congress (NLC) pour dénoncer les réformes du président Bola Ahmed Tinubu, qui ont provoqué une explosion du coût de la vie.
A Abuja, le millier de manifestants a convergé devant l'Assemblée nationale, brandissant des drapeaux syndicaux et des pancartes réclamant "la fin de la dévaluation du naira" et de "laisser les pauvres respirer".
"Nous nous réunissons à cause de la pauvreté et de l'insécurité", a expliqué Patrick Madu, 44 ans et père de cinq enfants, qui est contraint de travailler en tant que chauffeur de taxi en plus de son emploi dans la construction. "Nous n'avons plus assez de nourriture à la maison", abonde Mercy Adeyemi, 48 ans et membre du NLC, qui affirme sauter des repas pour réussir à joindre les deux bouts.
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A son arrivée au pouvoir en mai 2023, le président Bola Tinubu a mis fin à la subvention des carburants et au contrôle des devises, ce qui a entraîné un triplement des prix de l'essence et une hausse du coût de la vie, le naira perdant fortement de sa valeur par rapport au dollar. Le taux d'inflation du pays frôlait les 30% en janvier et plusieurs manifestations ont déjà eu lieu depuis début février dans quelques villes mineures du nord et du centre du pays.
Le président nigérian a demandé à plusieurs reprises à la population de patienter, affirmant que ses réformes économiques permettront d'attirer les investisseurs étrangers et de faire repartir l'économie, mais les effets positifs de ces réformes tardent à se faire sentir. Même si le nombre de manifestants à travers les trois principales villes reste dérisoire dans ce pays de plus de 220 millions d'habitants, le mouvement illustre un véritable ras-le-bol général de la population nigériane qui subit des privations croissantes.
"Devenus des mendiants"
De nombreux Nigérians ont dû renoncer à des aliments désormais considérés comme des produits de luxe, tels que la viande, les œufs, le lait et les pommes de terre. Au moins 63 % des Nigérians vivent dans une situation d'extrême pauvreté, selon des chiffres officiels. "La situation économique est de plus en plus insupportable, le coût de la vie est bien plus élevé que ce que l'on gagne, nous sommes devenus des mendiants", s'agace Habibu Idris au milieu des quelque 500 manifestants rassemblés à Kano.
Lire aussi : À la frontière du Niger, les Nigérians étouffés par la crise économique et l'insécuritéA Lagos, moins de 2.000 manifestants escortés par un lourd dispositif policier ont marché dans une ambiance bon enfant jusque devant les bureaux du gouverneur de l’État éponyme, en scandant "Tinubu voleur!".
"Tinubu a promis un changement et maintenant regardez où on en est? Il n'y a ni nourriture, ni sécurité dans ce pays", s'emporte Aghedo Kehinde Stephen, membre de la société civile. "Trop c'est trop, il n'y a plus d'espoir pour nous ici", déplore Abiodun Olamide Thomas, infirmière de 35 ans qui se dit "prête à déménager à l'étranger si l'opportunité se présente".
Sous la pression de la grogne populaire, le gouvernement a annoncé lundi le démarrage d'un programme d'aide visant à donner 25.000 nairas par mois (environ 14,70 euros) à 15 millions des foyers les plus pauvres du pays. Ce qui n'a pas dissuadé le NLC de convoquer une nouvelle journée nationale de manifestations mercredi.