Le Bénin se mobilise contre le cancer du sein

Des femmes sud-africaines attendent leur tour devant une clinique de dépistage du cancer du sein à Johannesburg, le 28 novembre 2023. AFP / Roberta Ciuccio

Au Bénin, la mobilisation est de plus en plus forte autour du cancer du sein. Octobre rose semble avoir conquis le cœur des Béninois qui font de la lutte contre le cancer du sein, un idéal à atteindre pour le bien-être des femmes.

Le cancer du sein est le premier cancer dont souffrent les femmes au Bénin. Bien que l'incidence soit parmi les plus faibles au monde, la mortalité y est la plus élevée reflétant une survie médiocre. L'une des principales raisons de cette surmortalité est le diagnostic à un stade tardif. Au Bénin, 70 % des cas diagnostiqués le sont tardivement selon le docteur Comlan Ulrich Oswald Houessou, médecin oncologue-radiothérapeute.

Il ajoute que le diagnostic arrive "à un moment où plus aucun traitement ne peut apporter la guérison." "Nous assistons à la mort de nos femmes, même quand l’état prend sur lui la responsabilité de les évacuer, ce sont des évacuations qui se font à grands frais pour des résultats inutiles", dit le docteur Houessou.

Selon le docteur Freddy Gnangnon, les facteurs associés au diagnostic tardif des cancers du sein au Bénin, sont le revenu inférieur ou égal au SMIG, la médecine non conventionnelle comme premier recours, avoir consulté un infirmier comme premier agent de santé et l'absence de dépistage antérieur du cancer du sein.

Il affirme qu'"au moins 1500 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués au Bénin et parmi ces cas il y a eu environ 700 décès. Ce qui fait une mortalité de 50%. C'est très alarmant quand on sait que dans les autres pays, les gens obtiennent des taux de guérison très élevés."

Pour le docteur Freddy Gnangnon, il y a les barrières socio-économiques et culturelles au traitement. Il estime que les croyances traditionnelles et populaires empêchent les femmes de consulter quand elles sont malades.

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Octobre rose au Bénin : mobilisation contre le cancer du sein

Pour renverser la tendance, acteurs politiques, sanitaires, organisations de la société civile, institutions internationales se sont associés et mènent sur le terrain de véritables campagnes de sensibilisation et de dépistage. Audrey connaît les ravages du cancer du sein à travers sa mère. Elle fait partie de milliers de femmes béninoises qui disent préfèrent mourir plutôt que de se faire enlever une partie du corps. Elle a eu la vie sauve in extrémis. "On a constaté qu’elle a commencé par perdre du poids de même que ses cheveux. Je ne sais pas si c’est le cancer qui a entraîné une insuffisance rénale mais elle en a souffert et après le cancer, l’insuffisance rénale est restée. Ses seins avaient tellement grossi et ils pesaient tellement qu’elle était obligée d’attacher un foulard à son cou en y mettant les seins pour supporter le poids. Quand on lui disait qu’on voulait toucher, elle nous disait qu’on ne pourrait pas parce que c’est une image qui nous marquera à vie", a confié Audrey au sujet de la maladie de sa mère.

Comme elle, nombreuses sont les béninoises qui affrontent la maladie en silence. Stéphanie Gbèhounouhessi est psychologue, elle décrit l’état dans lequel elle reçoit les femmes et parfois des jeunes filles atteintes du cancer du sein.

"Ça peut partir d’une profonde détresse à une dépression très sévère. C’est une maladie qui affecte l’image que la personne a d’elle-même puisque ce mal affecte le corps et laisse des séquelles à vie. Comme j’ai l’habitude de dire à toutes ces femmes que je reçois, il faut s’accrocher, tenir ferme dans la foi et l’espérance", affirme la psychologue. Bien que le taux de mortalité soit assez élevé au Bénin, certaines patientes guérissent et sont la preuve qu’un dépistage et un diagnostic précoces sont nécessaires pour toutes les femmes en âge de procréer.