Le Cameroun lance la vaccination systématique contre le paludisme, une première

Vaccination d'un nouveau-né contre le paludisme à Kilifi, au Kenya.

Le Cameroun a lancé lundi la première campagne de vaccination systématique et à grande échelle au monde contre le paludisme, une "étape historique" selon l'OMS dans la lutte contre cette maladie parmi les plus meurtrières chez les enfants africains.

Noah Ngah, un nourrisson de six mois, a reçu sa première injection du vaccin RTS,S sous les encouragements et les chants des infirmières d'un petit hôpital de la ville de Soa, à 20 km de la capitale Yaoundé, l'un des nombreux centres de vaccination de "42 districts prioritaires" de ce vaste pays d'Afrique centrale de quelque 28 millions d'habitants.

"Les 42 districts de santé ont été choisis sur la base du fardeau du paludisme. Le Cameroun fait partie des 11 pays qui ont encore une forte mortalité à cause du paludisme notamment chez les nouveaux-nés", explique Malachie Manaouda, le ministre camerounais de la Santé publique.

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"C'est un jour un peu historique. Jusqu'à maintenant on avait fait des introductions pilotes à petite échelle dans 3 pays - le Kenya, le Ghana et le Malawi - pour comprendre comment utiliser le vaccin. Là au Cameroun on passe directement à une introduction de routine", se réjouit Aurélia Nguyen, directrice des programmes de Gavi, l'Alliance du Vaccin.

Le paludisme, également appelé malaria, est une maladie transmise à l'être humain par les piqûres de certains types de moustiques. Elle tue plus de 600.000 personnes chaque année, dont 95% en Afrique, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Et sur le continent, les enfants de moins de 5 ans comptent pour plus de 80% des décès.

"C'est vraiment un tournant. Ça fait très longtemps qu'on travaille sur le vaccin contre le paludisme. Ça a mis 30 ans. C'est une maladie qui est très difficile parce qu'elle est transmise par un parasite avec un cycle de vie qui est très compliqué. On a un outil qui va pouvoir nous être utile, qui a une efficacité qui a été démontrée, qu'il a une sûreté : c'est un outil complémentaire important", ajoute Mme Nguyen.

Quid des autres pays africains ?

Le choix du Cameroun a été motivé par le fait que c'est un pays où l'incidence de la maladie est assez forte. "Donc on s'est orienté vers le Cameroun parce que c'est vraiment là où le vaccin va avoir un impact positif et on se concentre surtout sur les zones géographiques où l'incidence est la plus élevée", selon Aurélia Nguyen.

Au Cameroun 30% des consultations sont liées au paludisme. Avoir un outil préventif comme le vaccin va permettre de libérer le système de santé, d'avoir moins d'hospitalisations et de décès.

Plus de 300.000 doses du vaccin antipaludique RTS,S, du groupe pharmaceutique britannique GSK, le premier à avoir été validé et recommandé par l'OMS, avaient été livrés au Cameroun le 21 novembre. Il a fallu deux mois pour organiser le début de cette campagne durant laquelle l'injection antipaludique est proposée gratuitement, selon le gouvernement, et systématiquement à tous les enfants de moins de six mois, en même temps que les autres vaccins classiques obligatoires ou recommandés.

Le programme Gavi assure travailler pour commencer à mettre le vaccin en place dans le plus de pays possible. Trente pays ont démontré un intérêt.

"On espère que dans les deux ans à venir on va avoir une mise en place assez large. On se concentre d'abord sur les zones les plus à risque et puis petit à petit on va pouvoir étendre selon ce que les pays veulent faire", affirme Aurélia Nguyen.

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D'autres pays ont déjà eu des doses et sont en train de faire cette phase de mise en place, de préparation, d'entraînement, comme le Burkina Faso et le Sénégal. D'autres pays, hors de l'Afrique, mais situés dans des zones géographiques où prolifèrent les anophèles femelles vecteurs du paludisme, et qui sont éligibles pour l'appui Gavi, auront le droit au même programme.

"On voit que les zones géographiques où ce moustiques prolifèrent augmentent. On voit que la portée du moustique est de plus en plus large. Donc on en voit en Inde, on en voit dans le sud de l'Europe, ailleurs en Asie ou en Amérique latine, et c'est là que d'autres pays pourraient avoir un intérêt", déclare la directrice des programmes de Gavi, l'Alliance du Vaccin.

Créée en 2000, Gavi, l'Alliance du Vaccin L'alliance Gavi œuvre pour la fourniture de vaccins dans les pays à faible revenu. C'est est un partenariat public-privé aide à vacciner plus de la moitié des enfants de la planète contre certaines des maladies les plus meurtrières. L'Alliance rassemble les gouvernements des pays donateurs et des pays bénéficiaires, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'UNICEF, la Banque mondiale, l'industrie du vaccin, les agences techniques, la société civile et plusieurs partenaires du secteur privé.

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Rumeurs et désinformation

Seulement, une sorte de méfiance perdure au sein de l’opinion notamment dans certaines localités où le vaccin sera introduit. "Je ne suis pas pour le vaccin, je ne vais pas permettre qu’on vaccine mon enfant, j'ai peur qu’il développe autre chose derrière ce vaccin", confie à une mère de la banlieue de Yaoundé qui a demandé l’anonymat.

Même son de cloche chez ce père de Yaoundé : "Je ne serai pas prêt à m’engager maintenant à moins que tout soit clarifié sur ce vaccin il y’a trop de rumeurs qui ont couru sur les vaccins qu’on envoie en Afrique pour contaminer nos enfants."

L'Unicef a formé une quarantaine de personnes à la gestion de la désinformation et de la circulation des rumeurs sur le vaccin RTS,S. Le programme élargi de vaccination espère renforcer la confiance des parents par la communication sociale pour un changement de comportements sur les rumeurs concernant le vaccin contre le paludisme.

"Le paludisme reste une pathologie grave particulièrement pour les enfants de moins de 5 ans, le paludisme c’est près de 250 millions de cas dans le monde et 95% des 600.000 décès sont enregistrés en Afrique", rappelle le docteur Phanuel Habimana, représentant de l’OMS au Cameroun.