Le cannibalisme au paléolithique n'était pas uniquement alimentaire

A worker in protective gear stacks plastic buckets containing medical waste from coronavirus patients at a medical center in Daegu, South Korea.

Pour comprendre le cannibalisme pratiqué par les hommes préhistoriques, un chercheur a eu l'idée de calculer la valeur nutritionnelle du corps humain. Verdict : elle n'est pas particulièrement riche. Le but recherché n'aurait donc pas été purement alimentaire, en déduit-il.

S'attaquant à un sujet tabou, James Cole, spécialiste du paléolithique à l'Université de Brighton (Royaume-Uni), a établi un tableau des différentes parties du corps humain indiquant leur poids respectif et leur valeur nutritionnelle exprimée en calories (graisse et protéines).

De cette table, publiée jeudi dans la revue Scientific Reports, il ressort que le cerveau et la moëlle épinière ne pèsent pas lourd mais sont très caloriques, que les cuisses ont un bon potentiel calorique mais que le tissu adipeux est encore plus riche.

"Sur le plan des calories, nous correspondons à un animal de notre taille et de notre poids", déclare à l'AFP James Cole. "Mais nous ne sommes pas très nourrissants comparé aux gros animaux que les premiers hommes chassaient et mangeaient", ajoute-t-il. "L'homme est une espèce plutôt maigre". Or le gras est plus calorique que les protéines.

La viande de mammouth, d'ours, de sanglier, de castor, de bison était nettement plus énergétique, selon un autre tableau comparatif publié par le chercheur.

Un homme de 66 kilos fournit potentiellement 1.300 calories par kilo de muscle. Le mammouth est à 2.000 calories par kilo, l'ours à 4.000 (trois fois plus que l'homme) tout comme le sanglier et le castor.

La valeur calorique globale des muscles d'un homme est évaluée à 32.376. Elle est de 3.600.000 pour un mammouth, 1.260.000 pour un rhinocéros laineux, 600.000 pour un ours, 200.100 pour un cheval.

"Au niveau individuel, l'homme affiche un taux calorique peu élevé. Et même si vous mettez cinq ou six individus, cela procurera toujours moins de calories qu'un seul cheval ou un bison", note James Cole.

- Raisons culturelles et sociales? -

"Qui plus est, l'homme est plus intelligent et son comportement est complexe. Ce devait être plus difficile de tuer six hommes qu'un cheval."

"C'est pourquoi je suggère que peut-être que nous ne pouvons pas expliquer les actes de cannibalisme juste par un besoin de nourriture", poursuit-il. Les raisons de cette anthropophagie étaient peut-être "culturelles ou sociales" (défense du territoire...).

Le Paléolithique est une période qui commence avec l'apparition du genre Homo il y a 3 millions d'années et se termine il y a environ 10.000 ans.

Des fouilles archéologiques ont permis d'établir que Homo antecessor, un pré-néandertalien qui vivait il y a près de 1 million d'années (site du Gran Dolina en Espagne), était cannibale. Tout comme Homo Erectus il y a 680.000 ans (site de la Caune de l'Arago à Tautavel en France).

L'homme de Néandertal, notre cousin disparu, mangeait lui aussi de la viande humaine (site français de Moula-Guercy, site d'El Sidron en Espagne).

Et l'homme moderne, Homo Sapiens, était lui aussi anthropophage comme le montrent des ossements trouvés dans la grotte de Maszycka en Pologne (15.000 ans environ avant notre ère) et dans la grotte anglaise de Gough (14.700 avant notre ère).

Les archéologues disposent de plusieurs indices pour repérer le cannibalisme à partir de l'étude des ossements: incisions, marques de découpe, fractures sur des os frais (pour extraire la moëlle osseuse), traces de mâchement humain, absence de la base crânienne (pour extraire le cerveau).

Pour la plupart de ces sites, le cannibalisme a été expliqué par un besoin de nourriture. Mais pour quelques autres, des motifs rituels ont été mis en avant. Dans la grotte de Gough trois crânes transformés en coupe à boire par Homo Sapiens ont été découverts.

A Maszycka, il pourrait s'agir d'un cannibalisme lié à la guerre et à Caune de l'Arago, d'une anthropophagie rituelle car le gibier ne manquait pas.

Avec AFP.