Le jeûne du mois de ramadan est l'un des cinq piliers de l'islam, auxquels tout musulman est tenu. Les croyants s'abstiennent de manger, boire, fumer et d'avoir des relations sexuelles de l'aube au coucher du soleil. Les malades chroniques en sont toutefois exemptés par le Coran, qui prohibe expressément de mettre sa vie en danger.
Comme chaque année, le ministère de la Santé et des associations ont sillonné le pays pour des campagnes de sensibilisation envers les malades, avec des médecins, nutritionnistes et imams.
Particulièrement visés, les quelque quatre millions de diabétiques, soit environ 10% de la population algérienne : leur pathologie exige un régime alimentaire strict, des horaires de repas réguliers et une bonne hydratation.
Ceux souffrant de diabète de type 1, qui nécessite des injections régulières d'insuline, "ne peuvent en aucun cas jeûner", rappelle à l'AFP le Dr Mohamed Laïfa, diabétologue.
"Quitte à mourir"
Les diabétiques de type 2 le peuvent, à condition de surveiller attentivement leur glycémie et de se nourrir immédiatement, "même une minute avant la rupture du jeûne", dès qu'elle franchit un certain seuil, poursuit-il.
Syncope, thrombose, infections, coma... les risques encourus sont graves : près de la moitié des patients accueillis aux urgences à Alger durant le ramadan sont des diabétiques souffrant de complications du jeûne, a récemment rappelé l'agence d'Etat APS.
Depuis le début du ramadan, sur les réseaux sociaux, des diabétiques ont raconté avoir parfois flirté avec la mort pour avoir jeûné contre l'avis des médecins.
Les personnes souffrant d'hypertension artérielle courent eux aussi des risques en modifiant leur traitement en fonction des horaires du jeûne.
Durant la campagne de sensibilisation, le rôle de l'imam a notamment consisté à rappeler que c'est au médecin de déterminer si son patient peut jeûner et que suivre l'avis médical est une obligation religieuse, explique à l'AFP Fayçal Ouhadda, président d'une association de malades diabétiques de la région d'Alger.
"Le jeûne nuisible au jeûneur est haram" (illicite), a également rappelé le ministère des Affaires religieuses dans une fatwa (décret religieux).
Pourtant, "des malades sont prêts à sacrifier leur santé et même leur vie pour jeûner", poursuit M. Ouhadda, assurant avoir entendu certains dire "laissez-moi jeûner, quitte à mourir".
Les risques médicaux se sont en outre accrus ces dix dernières années car le ramadan -calculé selon le calendrier lunaire- est tombé lors de saisons chaudes aux journées longues : cette année encore, en Algérie, le jeûne dure une quinzaine d'heures avec des températures dépassant souvent 30 degrés.
"Fardeau psychologique et social"
En 2018, le nombre de personnes hospitalisées pour des malaises liés au jeûne a néanmoins baissé, relève Fayçal Ouhadda. Il dit y voir le fruit du travail de "sensibilisation" mais aussi le fait que les malades savent mieux surveiller leur état.
Mais les résistances restent nombreuses chez les malades, alors qu'en Algérie, comme dans de nombreux pays musulmans, notamment au Maghreb, le jeûne est une pratique au moins autant collective et sociale que spirituelle.
Parmi les diabétiques, ce sont majoritairement les personnes âgées, chez qui la maladie est apparue en vieillissant, qui refusent de bouleverser leurs pratiques et passent outre les recommandations médicales.
Certains "disent ne pas accepter l'idée de ne pas se plier au jeûne", commente le Dr Laïfa. "Ils se sentent dévalorisés du fait d'être incapables d'accomplir ce devoir religieux" et portent "un lourd fardeau psychologique et social."
Pendant le ramadan en Algérie, tous les restaurants et cafés sont fermés en journée et rompre le jeûne publiquement est souvent vu comme une provocation.
Même en cas de crise, un diabétique hésitera à affronter les regards réprobateurs, les critiques voire les insultes, en rompant le jeûne en public, même si aucune loi n'interdit expressément de manger ou boire en public durant le ramadan en Algérie.
Avec AFP